On ne joue pas avec la haine

Le Feu de La Haine

On ne pensait pas entendre en 2014, dans les rues, des salles de spectacle et même certains médias audiovisuels des propos d’un autre âge. Les temps de crise nous ramènent loin en arrière : dans un triste archaïsme des comportements et des paroles.

La crise est dure, mais elle a bon dos. Elle met en difficulté trop d’entreprises et de familles mais, dans une société européenne protégée par une série d’amortisseurs sociaux, cette crise n’a évidemment rien à voir avec celle de 1929, qui a affamé des millions d’Européens, la désespérance sociale ayant fait le lit du nazisme.

Et pourtant. Un national-populisme monte en puissance dans toute l’Europe, alimenté par les démagogies de tous les replis. Les boucs-émissaires affluent dans le discours, devenu politiquement correct, de la xénophobie : les immigrés, il y en a beaucoup trop, l’Europe, il faut lui donner une leçon, les Roms, les mettre à la porte. Quant aux Juifs, qu’on croyait protégés en France par la République et en Europe par la Mémoire de l’horreur de la Shoah, et bien ils redeviennent des cibles.

Celles notamment d’un Dieudonné Mbala Mbala qui préparait dans 20 bonnes villes de province une série de meetings, nommés spectacles du rire ! Abject procédé, visant à contourner les lois, pour exploiter les vieux ressorts de l’antisémitisme : de la théorie du complot (qui capte en temps de crise un plus large public, y compris dans la bonne bourgeoisie) aux ignobles thèses négationnistes (qui ont de larges relais, en dehors de nos frontières aussi, certaines dictatures arabo-musulmanes, comme l’Iran, l’utilisant depuis des années comme ressort politique contre la démocratie voisine, Israël).

La limite de l’intolérable

Le négationnisme, cette volonté obsessionnelle d’effacer le pire crime contre l’Humanité qu’a connu l’Europe, est un drame pour ceux qui le porte – la honte et les condamnations devraient les submerger – mais surtout pour les rescapés du crime, pour les familles des millions de disparus, pour toutes les démocraties européennes aussi, qui ont su se relever en 1945 des cendres de l’horreur.

Nous le rappelons dans ce numéro : l’idéologie national-socialiste a fait des millions de victimes, mis notre continent en ruine. Elle inspire aujourd’hui des citoyens perdus, via des pseudo-intellectuels en mal d’existence comme Alain Soral, l’ami de Dieudonné, de la famille Le Pen, mis en référence pour ses bonnes « sources » par de minables petits chroniqueurs comme Éric Zemmour. Oui, ce nationalsocialisme revient sur le devant de la scène, notamment celle d’Internet qui n’oppose aucune limite à l’intolérable. Soral pose, avec son geste de la quenelle à Berlin, devant le Mémorial dédiés aux victimes de la Shoah ! Comment supporter une telle indignité, en 2014 ?

Elie Wiesel, l’un des survivants de l’entreprise nazie d’extermination, l’a souvent dit : nier l’horreur des camps de la mort, c’est infliger aux disparus une deuxième mort ; et aux familles, un éternel malheur. Puisse la parole du Prix Nobel de la Paix être très largement entendue dans notre Europe en crise, en mal d’identité surtout, travaillée par les vieux démons du nationalisme et de la xénophobie. Dans un contexte où les politiques, de gauche comme de droite, sont discrédités.

La solidité de l’esprit démocratique et républicain va être mise à l’épreuve en 2014. Les élections européennes seront un baromètre de la santé, civique et morale, française. Sans forcément craindre absolument le pire, il faut se préparer à des temps difficiles. D’où le thème de ce numéro, d’actualité : engagements et Mémoire.

Jean-Philippe MOINET, fondateur de la Revue Civique
(06/03/14)

Le dernier numéro de la Revue Civique

 

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