Guerre Israël-Hamas: face au terrorisme, le danger du relativisme, du neutralisme et des lâchetés. Par J-P Moinet

Des lâchetés françaises.

Le 7 octobre, on a vu mis à jour et au grand jour, à une échelle terrifiante que le monde entier a alors mesurée, ce qu’on croyait connaître de l’horreur djihadiste. Des civils, femmes, enfants, personnes âgées ont été délibérément, méthodiquement, assassinés dans une sauvagerie qui dépasse tout ce que l’humanité croyait ne pas pouvoir commettre au XXIème siècle. En nombre, des enfants ont pourtant été mutilés, exécutés devant leurs parents, des femmes enceintes éventrées, des yeux ont été arrachés. Les témoignages directs sont insoutenables et les atrocités commises documentées.

Ensuite, l’armée israélienne a préparé et amorcé sa naturelle réplique en vue de détruire les infrastructures et combattants du Hamas, et on a vu en France, progressivement mais rapidement, mise à jour une menace terrible aussi : l’idéologie qui aveugle, la lâcheté neutraliste, le confortable « dos-à-dos » qui contextualise pour enfoncer les victimes et disculper l’agresseur, et la haine antisémite qui finit par resurgir: graves dérives qui, loin de faire face avec courage à la redoutable organisation terroriste et ses alliés, tend à l’expliquer d’abord, à l’excuser parfois, et même à l’encourager au titre d’une perverse « résistance ». C’est à désespérer des leçons de l’Histoire, y compris de la plus récente qui a frappé si durement en France. Où est donc passé l’esprit Charlie, qui mobilisait la France entière ? Il semble s’être dissout dans les discours sur le conflit israélo-palestinien, qui désarment.

Le comédien Torreton est de ceux qui s’inquiètent, révulsé lui aussi par les silences lourds de sens et les regards qui fuient en France

Le comédien Philippe Torreton est de ceux qui s’inquiètent vivement, à juste titre, des dérives françaises, révulsé lui aussi par les silences lourds de sens et les regards qui fuient. Dans un magnifique texte, « Je suis juif », il a crié son désespoir et sa colère : «Je cherche, je cherche, et je ne vois rien, pas de pancartes, pas de slogans rassembleurs, pas de cortèges immenses, pas de concerts… Si en fait pardon, je vois des graffitis antisémites qui se peignent tout en lâcheté sur les murs de nos villes, je vois des circonvolutions langagières n’arrivant pas à dénoncer l’horreur, je vois le cynisme et le clientélisme politique…»

Oui, sous prétexte d’un historique conflit israélo-palestinien (qui est bien antérieur, et sera ultérieur, à l’attaque islamiste du 7 octobre), sous prétexte de responsabilités partagées ayant effectivement abouti à son dramatique non-traitement, certains plongent tête la première dans la défausse, croyant peut-être éloigner de France le mal et la menace djihadiste – qui n’a évidemment que faire de la cause palestinienne -, certains cherchent à se rassurer à bon compte en parlant d’autre chose et versent dans un neutralisme suspect qui conduit, de fait, à dédouaner l’organisation active d’une terreur qui assassine.

Il faut le rappeler à tout ceux qui ont la mémoire courte et qui ne supportent pas l’idée d’une guerre de plus de trois jours: le Hamas, qui terrifie la population palestinienne depuis sa prise de pouvoir à Gaza en 2007 et qui a éliminé physiquement et férocement tous les opposants palestiniens d’obédience démocrate et laïque, a d’abord créé un enfer à Gaza avant de le créer pour son voisin, le déchaînant le 7 octobre sur des kibboutz pacifistes et des jeunes qui, en « rave party », ne fêtaient que la musique et la paix ! Comment pourrait-il y avoir, en ces circonstances qui disent tout d’un fanatisme qui déchaîne la haine, oui comment peut-il y avoir un cessez-le-feu qui signerait une abdication face à l’enfer qui menace ?

La différence énorme, entre un Etat démocratique qui tient à se défendre et une organisation terroriste qui projette d’exterminer, ne saurait devenir un point de détail de l’histoire actuelle !

Cette guerre sera longue et éprouvante, elle a été lancée, voulue, préparée, planifiée par le Hamas (et ses parrains qui, en Iran et au Qatar, se fichent complètement des Palestiniens !) -, elle est forcément et malheureusement tragique dans ses effets pour trop de civils qui sont utilisés, pour partie en tout cas, comme boucliers humains. Mais mettre « dos-à-dos » l’armée d’une démocratie israélienne qui se défend et une organisation terroriste surarmée (et enterrée dans ses bunkers) ne peut et ne pourra être une issue viable, tout simplement parce que l’équidistance n’est pas conforme à la réalité du terrible engrenage et de sa causalité. Personne n’a inscrit dans sa charte, ses proclamations répétées et ses préparatifs guerriers, l’extermination du peuple voisin, sauf le Hamas. La démocratie israélienne a des défauts, de grandes injustices sont sans doute à corriger mais jamais Israël, pays grand comme deux départements français, n’a inscrit dans ses buts ni intégré dans ses objectifs d’exterminer le peuple voisin ! Cette énorme différence, qui sépare un Etat démocratique qui tient à se défendre et une organisation terroriste qui projette d’exterminer ne saurait devenir un point de détail de l’histoire actuelle ! Elle nous concerne, nous en Europe et en France, directement.

Un mot d’Elie Wiesel me revient: « l’extrémisme est destructeur mais il finit aussi par être autodestructeur »

Le Hamas, qui proclame le fanatisme de la destruction comme une raison d’être, est un enfer non seulement pour les autres – le 7 octobre a montré sa sauvagerie au monde entier – mais désormais pour lui-même et ceux qu’il a entraînés dans sa chute finale, qui est inévitable. Un mot d’Elie Wiesel me revient: « l’extrémisme est destructeur mais il finit aussi par être autodestructeur ». Il fait malheureusement beaucoup de victimes mais il finit par être victime de sa propre violence.

Un après guerre devra naturellement être construit, sur les décombres et les victimes du Hamas. Cet « après » ne pourra se faire que dans une perspective politique construite autour du principe de respect mutuel entre Israéliens et Palestiniens, qui confortera la sécurité et la dignité de chacun. L’Etat de droit devra à l’évidence s’appliquer plus complètement en Israël, à l’encontre par exemple des colons radicaux dont la violence doit être sanctionnée. Mais la perspective d’un « après » viable pour les Israéliens et les Palestiniens ne pourra apparaître que quand l’organisation terroriste, comme celle de Daesh, aura été empêchée de terrifier et de détruire. Alors, les Israéliens comme les Palestiniens pourront respirer à nouveau. Et, espérons-le, vivre normalement, c’est-à-dire sans charte de destruction massive.

Jean-Philippe MOINET

(03/11/2023)