Trump et trois graves replis (par JP Moinet)

Peurs, replis, votes masqués : la vague Trump anti « system » est aussi un désir d’alternance (entre la gauche américaine, 8 ans à la Maison Blanche, et la droite), une instrumentalisation purement démagogique (mais très efficace) d’une volonté de rébellion type Brexit contre le pouvoir central (Washington remplaçant Bruxelles), mais…

La France n’est pas l’Amérique, et l’Amérique est et restera la démocratie des plus forts contre-pouvoirs : l’historique fédéralisme des 50 États protège le pays de toutes les turbulences ; le très puissant Congrès, maîtrise l’essentiel des législations, la société civile, les forces économiques notamment, sont totalement autonomes du pouvoir politique ; le Département d’Etat aussi, qu’un Président ne saurait instrumentaliser contres les intérêts vitaux du pays… Trump sera donc largement « cadré », par les institutions de la démocratie américaines, et par le grand Parti Républicain américain où Trump à de nombreux adversaires, parti qui est majoritaire au Congrès mais…

Négation politique de ce qui avait fait le succès la super-puissance américiane

Ce n’est pas moins la victoire, une victoire SYMPTÔME aussi, de trois types de replis, redoutables pour tout l’Occident, qui va devoir désormais absorbé ce choc, qui n’est évidemment pas superficiel :

1/ REPLI PROTECTIONNISTE, anti-mondialisation et même anti-libre échange économique et commercial, anti grand marché euro-atlantique, anti-progrès en fait, en tout cas anti-ouverture : dans les discours tonitruant de cette campagne électorale trumpiste en tout cas, c’est aussi la négation de tout ce qui a fait, depuis plus d’un siècle, les succès de la super-puissance US !

2/ REPLI DIT « IDENTITAIRE », racialiste et religieux en fait, discours et posture anti-immigrés, le « Mur » « contre » les envahisseurs mexicains représentant, dans les promesses fracassantes (et irresponsables) de campagne populiste-xénophobe,  le symbole de la chose recherchée (dans les mots) : la FERMETURE

3/ REPLI POLITICO-SEMANTIQUE sur un discours assumé (avant l’élection, et pour être élu) de la morgue et de la violence. Discours qui a fait le buzz télévisuel, le succès d’un NATIONAL-POPULISME CATHODIQUE fait de raccourcis et d’outrance inouïe. Une démarche à succès électoral admiré par les Le Pen en France, envié par un Sarkozy qui s’arcboute sur le discours buissonien des « gaulois » envahis, une démarche qui a donc motivé un vote majoritaire dans la plus grande démocratie du monde.

Un vote largement masqué (non dévoilé aux sondeurs), qui entretient déjà à haute et bruyante voix l’absurdité des propos sur « les sondages qui voulaient faire l’élection » ou « ces sondages qui vous mentent ». A l’évidence, les plus grands instituts d’études d’opinion américains ne pouvaient pas mesurer, ni photographié, des intentions de vote qui, pour partie non négligeables manifestement, ont été volontairement non déclarés par les citoyens trumpistes.

Le Pen et Poutine applaudissent

Quand les urnes sont utilisées comme une arme de revanche (qu’elle soit sociale, idéologique ou, pire, raciale ou religieuse), pour élire un homme imprévisible, aux pulsions non cachées, qui n’a jamais exercé aucune fonction élective dans cette démocratie qui l’a porté d’un seul coup au sommet. On peut, aux Etats-Unis et ailleurs, en Europe en particulier, s’inquiéter. En tout cas considérer que cette élection est aussi un symptôme du dysfonctionnement démocratique, qu’il faut rapidement non seulement analyser mais réparer. Le mauvais clown américain est en fait un clown… triste. Il reflète un grand MALAISE démocratique, qui se répand sur notre Continent et en France aussi, on ne voit bien.

Même si les démocraties ont du ressort, la réjouissance, avec l’élection Trump, est bien celle de tous les AUTOCRATES, qui vont applaudir ! De Marine Le Pen, qui s’est réjouie avec impatience avant même l’élection de Trum assurée officiellement, à Poutine, autocrate à la main de fer (et à la gachette facile contre les opposants syriens) de la grande Russie…

La question est posée, en ce jour d’une élection historique : où est passé la Grande Amérique ?

Jean-Philippe MOINET

fondateur et directeur de la Revue Civique, auteur et chroniqueur.

9/11/16