Toujours faire « barrage net » contre le RN, « parti xénophobe »: le Président de l’UEJF, Samuel Lejoyeux (itw)

Le Président de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), Samuel Lejoyeux, explique à La Revue Civique ici combien l’acte de reconnaissance, par Serge Klarsfeld, de Louis Aliot, maire de Perpignan et candidat à la présidence du RN, a jeté un profond trouble: « Louis Aliot est l’un des fers de lance de la stratégie de dédiabolisation (du parti d’extrême droite), je ne comprends pas comment Serge Klarsfeld s’en fait délibérément l’instrument. Voilà où se situe le trouble, et notre colère ». Entretien.

-La Revue Civique : vous vous êtes dit « plus que troublé » par la remise de la « Médaille de la ville de Perpignan » à Serge Klarsfeld par le maire de cette ville Louis Aliot, candidat à la présidence du RN et l’acte de reconnaissance réalisé par Serge (puis Arno) Klarsfeld des engagements de Louis Aliot en faveur d’actions mémorielles et de lutte contre l’antisémitisme. Pourquoi un tel trouble ?

-Samuel LEJOYEUX: Louis Aliot n’est pas plus fréquentable qu’un quelconque autre responsable du RN.

D’abord, parce que Louis Aliot ne s’est jamais désolidarisé ni des déclarations des leaders, ni de l’Histoire de ce parti. Louis Aliot assume de se présenter à la Présidence de ce parti créé par d’anciens Waffen SS tel que Léon Gaultier, d’anciens terroristes de l’OAS comme Roger Holeindre. Ce parti qui a accueilli depuis toujours la frange négationniste et néo-nazie de la société française. J’ai beau cherché, je ne trouve pas de déclaration de M. Aliot critiquant l’expression  “détails de l’Histoire” du fondateur du mouvement.

Malgré ces 10 ans de présidence du Front par Marine Le Pen, 10 ans de tentative de “dédiabolisation”, de mains tendues à la communauté juive de France sous couvert d’une défense de la laïcité, ou d’une prétendue lutte contre l’islamisme, le RN reste ce qu’il est et ce qu’il a toujours été : un parti xénophobe face auquel la seule réaction valable est un barrage net.

« L Aliot défend des idées et des personnes

qui sont ouvertement racistes »

Ensuite, parce que Louis Aliot lui-même poursuit son engagement au service des idées et des personnes de l’extrême droite. Par exemple, il y a quelques semaines, il a tenté de faire réhabiliter, par son conseil municipal, Pierre Sergent, dirigeant de l’OAS. Aliot, ancien directeur de cabinet de Jean Marie Le Pen, deniait la prise de responsabilité de la France dans la collaboration en 1995. À ce jour il n’est pas revenu sur sa position. Aujourd’hui comme hier, Louis Aliot défend des idées et des personnes qui sont ouvertement racistes, et au moins tolérantes avec l’antisémitisme.

Que Serge Klarsfeld, qui a toujours défendu l’idée que le RN tendait sa main aux juifs pour «prétendre à une certaine respectabilité*», accepte d’être honoré par un responsable de ce parti, est choquant, mais surtout, profondément contradictoire avec ses propres engagements. Louis Aliot est l’un des fers de lance de la stratégie de dédiabolisation, je ne comprends pas comment Serge Klarsfeld s’en fait délibérément l’instrument. Voilà où se situe le trouble, et notre colère.

-La doctrine du « cordon sanitaire » à établir strictement à l’encontre de l’extrême droite semble s’affaiblir. On a vu par exemple le LR Eric Ciotti dire, avant l’élection présidentielle, qu’il préférait voter Zemmour plutôt que Macron. La présidente (Renaissance) de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a fait un « rappel à l’ordre » d’une députée Renaissance, parce qu’elle évoquait simplement le caractère « xénophobe » du RN. La situation actuelle ne fait-elle pas perdre la boussole, voire la tête, a beaucoup de monde ? La ligne dîte « républicaine » d’intransigeance à l’égard de l’extrême droite pourra-t-elle tenir à l’avenir, compte tenu de la banalisation de l’extrême droite (y compris, on le voit avec « l’affaire Klarsfeld », au sein de la communauté juive) ?

-Samuel LEJOYEUX: Des responsables politiques et des citoyens tombent, parfois par conviction, souvent par calcul ou par détresse, dans le piège de la dédiabolisation : nous le constatons, et nous le déplorons. Nous l’avions dit dès les résultats du second tour de la présidentielle de 2022 : les résultats finaux et le score de Marine Le Pen n’offrent à la France des Lumières qu’un maigre sursis. Les résultats des législatives, et surtout les thématiques qui émaillent, ces derniers mois, le débat public et médiatique, montrent une progression des idées du FN, devenu RN, c’est-à-dire du racisme sous toutes ses formes, dans toute la société française. 

Samuel Lejoyeux (ici en interview sur Radio J) déclare à La Revue Civique: « nous tiendrons dans la tempête pour rappeler les aspirations morales qui fondent la France ».

« Ce n’est pas parce que le constat est douloureux

que nous renoncerons au combat pour nos idées et notre liberté »

Ce n’est pas parce que le constat est douloureux que nous renoncerons au combat pour nos idées, pour nos valeurs, et pour notre liberté.  Nous sommes nous, des citoyens qui avec notre droit de vote, avec notre force militante, ne trouverons jamais d’excuse à la perméabilité des partis ou des institutions aux idées maurassiennes, ou tout simplement racistes. Si  les responsables politiques perdent le Nord du juste et des Lumières, nous tiendrons dans la tempête pour leur rappeler les aspirations morales qui fondent la France.

Nous sommes comme tous les français : nous constatons tous les jours tout ce qui ne va pas dans notre pays. Nous, étudiants juifs, nous sommes les cibles les plus faciles pour la violence antisémite, notamment venue de l’islamisme. Et justement, en tant que Juifs, notre responsabilité en ce domaine est particulière : rappeler, chaque fois qu’il en existe le besoin, les conséquences pratiques de la xénophobie portée au rang de loi.

Des partis d’extrême-droite sont arrivés au pouvoir dans de nombreux pays européens : l’Italie et la Suède étant les plus récents. En France, nous n’en sommes pas là, et nous le devons sans doute en grande partie aux différentes vigies qui ne perdent pas leur boussole républicaine. L’UEJF continuera à en faire partie. L’avenir ne nous fait pas peur : minoritaire ou majoritaire, nous continuerons de combattre contre les idées et actions xénophobes et racistes de Louis Aliot et de ses camarades.

* Cité dans le livre « La main du diable, comment l’extrême droite a voulu séduire les Juifs de France« . (Jonathan Hayoun et Judith Cohen Solal; Grasset 2019).

(24/10/22)