Moralisation de la vie publique : les propositions des candidats (rapport de l’Institut Montaigne)

La France n’occupe que la 23e place du classement établi par l’ONG Transparency International quant à la perception de la lutte contre la corruption en 2016. Loin devant se trouvent le Danemark (1e position), la Finlande (3e), la Suède (4e), la Suisse (5e) ou la Norvège (6e). Si la perception du problème n’implique bien sûr pas que la corruption soit effective et générale, il ne reste pas moins que, suite aux différentes affaires judiciaires qui ont éclaté concernant des politiques de premier rang (François Fillon, Marine Le Pen, Bruno Le Roux…), l’opinion publique demande une réponse claire et efficace contre ce type de dérives. Si dès 2013 des mesures ont été adoptées, telles que la création de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) ou l’obligation de publicité des déclarations de patrimoine des Ministres, beaucoup reste à faire. L’Institut Montaigne a réalisé un décryptage des propositions émises en ce domaine par les divers candidats à la Présidence de la République.

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Les propositions (a minima) de François Fillon

Côté exemplarité, François Fillon, après le scandale révélé par Le canard enchaîné, a opté pour la discrétion. Il propose le strict minimum en promettant la « transparence totale par la publication obligatoire des liens de parenté entre les parlementaires et les collaborateurs (y compris en cas de recrutement croisé) ». Aucune mesure spécifique n’a été particulièrement prévue permettant de s’assurer que ces emplois soient contrôlés, en vue de justifier leur effectivité, aucune interdiction n’est non plus envisagée.

Son programme, en matière de moralisation de la vie publique, contient une orientation, assez imprécise dans ses contours : « l’amélioration des mécanismes de contrôle de déontologie mis en place dans chacune des assemblées ». Rien n’est précisé non plus sur la nécessité de légiférer sur le cumul de fonctions privées pouvant entraîner des conflits d’intérêt.

L’incohérence de Marine Le Pen

Marine Le Pen considère que les parlementaires ne doivent cumuler aucune autre activité rémunérée en parallèle de leur mandat public. De même, sur la question des frais de représentation des députés, la Présidente du Front National soutient qu’il faut que cette enveloppe, de 5373 € (6110 € pour les sénateurs) couvrant les « diverses dépenses liées à l’exercice de leur mandat », soit repensé. Elle propose que les parlementaires présentent en amont des justificatifs de leurs frais réels, avant remboursement.

Elle entend aussi importer en France l’interdiction existante au Parlement européen de ne pas pouvoir salarier un membre de sa propre famille. Sur ce point une incohérence certaine apparaît : car elle a embauché au Parlement européen son compagnon Louis Aliot, de 2011 à 2013. En outre, le Parlement européen lui demande de rembourser 300 000 € pour avoir employé son garde du corps et son ex belle-sœur, ces emplois étant considérés par l’institution comme des emplois non effectifs (fictifs). Une accusation que la candidate frontiste conteste devant la justice.

La révolution d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron, pour sa part, apporte ce qu’il considère des solutions « pragmatiques », compte tenu de la situation actuelle, afin de mettre fin aux suspicions qui surplombent la classe politique. Un chantier ambitieux en ce domaine a été demandé par François Bayrou, au moment de son soutien à Emmanuel Macron. Si ce dernier refuse d’interdire strictement aux parlementaires d’exercer certaines activités rémunérées en parallèle de leur mandat, « tel que l’enseignement, qui ne devrait pas être incompatible », il propose d’interdire aux députés et aux sénateurs l’emploi d’un proche ou d’un membre de leur famille, ainsi que l’option dont ils disposent aujourd’hui d’exercer des activités de conseil en dehors de leur charge parlementaire.

D’autres mesures ont été mises sur la table. Ainsi, Emmanuel Macron entend-il revenir sur les avantages des parlementaires en soumettant l’ensemble de leurs rémunérations à l’impôt, ce qui n’est pas le cas de nos jours, et en supprimant le régime spécial de retraite dont ils jouissent. De plus, afin de favoriser un renouveau démocratique, et à la fois pour des questions d’image, de message aux citoyens, de réduction des dépenses publiques et d’efficacité, le candidat du mouvement En Marche propose de réduire d’un tiers le nombre actuel de députés et de sénateurs.

La transparence de Benoît Hamon

Le candidat socialiste se veut l’anti-Fillon et a mis en place pour cela un certain nombre d’initiatives inspirées de « l’affaire » touchant le candidat LR. S’il partage avec Emmanuel Macron la promesse d’interdire aux parlementaires d’embaucher un membre de leur famille et d’exercer toute activité de conseil, il souhaite également rendre obligatoire le dépôt et la publication de la situation patrimoniale des élus.

D’autres mesures sont pour lui nécessaires, comme la volonté d’élargir la publication des déclarations des parlementaires, consultables en préfecture, et le renforcement du contrôle des enveloppes dont dispose les parlementaires et des moyens de la CNCCFP (Commission nationale des comptes de campagne et de financements politiques). Benoît Hamon a annoncé aussi qu’il publierait l’identité des personnes dont le don à sa campagne dépasserait les 2 500 € (une mesure refusée par Emmanuel Macron, qui soutient que les noms des donateurs, d’ailleurs plafonnés par la loi actuelle, doivent être protégés par la loi). En outre, Benoît Hamon propose aussi, relève aussi l’Institut Montaigne, l’inéligibilité pouvant aller jusqu’à six ans en cas d’infraction au financement des campagnes électorales.

Jean-Luc Mélenchon à l’attaque

Comme Emmanuel Macron et Benoît Hamon, le candidat du mouvement de « la France insoumise » souhaite interdire que les parlementaires exercent des activités de conseil parallèlement à leur mandat et imposer à tout futur candidat à l’élection présidentielle l’obligation de fournir un extrait de casier judiciaire vierge. Il souligne l’importance du principe selon lequel toute personne condamnée pour corruption soit rendue inéligible à vie. Jean-Luc Mélenchon souhaite aussi interdire aux lobbystes l’entrée au sein du Parlement et il entend supprimer la possibilité que les élus reçoivent des cadeaux.

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Dans le climat délétère provoqué par les affaires judiciaires dans la campagne présidentielle, chacun des candidats a donc veillé, à sa manière, à avancer des mesures en matière de moralisation de la vie politique. Reste à se demander si ces propositions suffiront à convaincre les Français que la lutte contre la corruption et toute forme de dérives est bien une bataille sincère, honnête, menée réellement et jusqu’au bout. Ou si, au contraire, ils continueront à croire (peut-être à tort) qu’il s’agît de mesures visant simplement à faire changer la perception du problème, sans que rien ne change vraiment.

Rafael Guillermo LÓPEZ JUÁREZ

avril 2017

Pour aller plus loin :

Moralisation de la vie politique : une exigence partagée, par l’Institut Montaigne, en français

Index de perception de la corruption 2016, par Transparency International, en anglais