Menaces chimiques en Mer du Nord (documentaire sur des bombes à retardement; diffusion Public-Sénat)

C’est l’histoire d’un enfouissement. Après chacune des deux guerres mondiales, la décision a été vite prise, elle est passée inaperçue dans le flots des urgences qu’il fallait alors traiter. Mais la réalité, tragique écologiquement, remonte désormais à la surface de la mémoire. Un documentaire (1) raconte cette incroyable histoire: des centaines de milliers de tonnes d’armes chimiques, parmi les plus toxiques qui ont été fabriquées durant les deux conflits mondiaux, ont été déversées en Mer du Nord, en Mer Baltique, dans l’Atlantique aussi, pour s’en débarrasser. A des périodes – 1919, 1945 – où on voulait croire que la mer pouvait servir de dépotoir, en toute impunité.

Des centaines de milliers de tonnes d’armes chimiques ont été déversées en Mer après les deux guerres mondiales.

Ce film « Menaces en Mer du Nord » (diffusé par la chaine parlementaire Public-Sénat, le 1er janvier 2019 à 11 h en première diffusion) reconstitue, avec précision, l’histoire de cette irresponsabilité publique. Sur laquelle commence à s’exprimer des autorités belges, danoises, allemandes, mais aucune autorité française. Alors que les archives militaires de ces voisins européens se sont ouvertes, les responsables du ministère français des Armées – la DGA, direction général de l’armement, en particulier – n’ont donné aucune suite aux demandes du réalisateur et des producteurs de ce film, qui pointent le problème d’aujourd’hui: les centaines de milliers de tonnes d’armes chimiques largués en Mer du Nord sont des bombes à retardement, les eaux et les rives sont clairement menacées, selon eux, par une catastrophe écologique de grandeur ampleur.

Une cinquantaine de sites concernés par la méthode de l’immense poubelle chimique maritime

Le maire de la cité balnéaire belge Knokke, à quelques kilomètres de la frontière française, s’est inquiété du déversement d’armes chimiques au large de sa plage. Un seul rapport, qui date de 1972, indique que le fuselage des munitions larguées en mer en 1919 était « plutôt en bon état ». Mais aujourd’hui, plus de 45 ans plus tard ? Silence radio. Pourtant, au moins une cinquantaine de sites sont concernés par cette méthode de la poubelle chimique à mer ouverte. Le documentaire évoque 60 zones interdites à la navigation. Comme si la pollution chimique pouvait rester à distance des navires, de la faune marine, des courants et des rives de toute l’Europe du Nord, de la France au Danemark. En Mer Baltique, des témoignages de la marine nationale danoise certifient la contamination des pêches. Un démineur de l’Otan observe que « les poissons sont contaminés », sachant que les autorités danoises ont été bien seules, dans la région, à programmer des opérations de déminage et de nettoyage. Après la seconde guerre mondiale, dans cette zone, 270 000 tonnes d’armes chimiques ont été coulées dans des navires de guerre qui en étaient remplis.

En 1945, 300 000 tonnes d’armes allemandes ont également été jetées dans l’Atlantique: officiellement à 1000 mètres de fond; mais aussi, précise le documentaire, dans des zones qui n’ont pas plus de 40 à 100 mètres de fond ! Alerte, donc, sur les côtes françaises ? Pour éclaircir le mystère et surtout traiter le problème, les autorités françaises et européennes seraient pour le moins bien inspirées de diligenter des enquêtes publiques, et d’en tirer rapidement toutes les conséquences. Pour écarter tout risque de catastrophe écologique en ces mers qui nous entourent.

Paul LEONARD

(décembre 2018)

(1) « Menaces en Mer du Nord », un film de Jacques Loeuille (Real Productions, Image Création.com; co-production France Télévisions, RTBF, Pictanovo, Météores Films).

-La bande annonce du documentaire « Menaces en Mer du Nord » 

-Le documentaire complet en replay

-Diffusions programmées sur Public Sénat: 1er/01, 11 h ; 2/01, 22 h ; 4/01, 17 h; 5/01, 16h30; 6/01, 12h34.

Des milliers de tonnes d’armes chimiques ne sont parfois qu’à quelques dizaines ou centaines de mètres de profondeur. Le Danemark est l’un des seuls pays européens à se préoccuper sérieusement de ces bombes écologiques à retardement.

Curieusement, les autorités militaires françaises – de la DGA, direction générale de l’armement – ont opposé une fin de non recevoir aux demandes d’informations sur ce sujet, qui concernerait pourtant une cinquantaine de sites potentiellement hautement contaminés.