L’optimisme de la crise existe, le voici…

Le Président de la Ligue des Optimistes du Royaume de Belgique, Luc Simonet a fait des adeptes en France, en Allemagne aux Pays-Bas et dans de nombreux pays où des citoyens se regroupent en « Optimistes sans frontières » ! « Je suis le maître de chacune de mes pensées et pas l’inverse », dit cet avocat fiscaliste qui a délaissé ses activités lucratives pour se consacrer à cette mission: diffuser l’optimisme par temps de crise. « Si je suis le maître de chacune de mes pensées, je suis une personne libre, ajoute-t-il, si j’ai cette liberté sur ma pensée, je suis responsable. Responsable de ma vie, de mon bonheur, de mon environnement, responsable pour le monde ». Extraits de ses propos à la fois humoristiques et toniques, tenus lors d’un séminaire de responsables d’entreprises (de l’AMARC, Association pour le Management de la Réclamation Client) qui le recevait à Paris.

Quand mes enfants étaient petits, et qu’ils me disaient (c’est fréquent en Belgique…): « m…, il pleut ! ». Je leur disais: « non, il ne faut pas dire m… il pleut, mais: c’est un beau jour de pluie !… »

En août 2005, nous étions en Toscane avec des amis et un jour, il a plu à seaux, ma fille s’est exclamée: « m…, il pleut ! » Je lui ai alors dis: « mais, on ne dit pas ça ; je trouve d’ailleurs qu’on devrait créer un parapluie, avec une mention dessus: quel beau jour de pluie ! » Ma fille m’a dit: « arrête avec tes idées ; ce qui compte, ce n’est pas d’avoir des idées, mais de les exécuter ! »

De retour à Bruxelles, j’ai fait imprimer 50 parapluies, avec la mention: « quel beau jour de pluie ! » Fin août de la même année, j’ai été invité à un concours de golf à Utrecht aux Pays-Bas et, comme un innocent, j’ai gagné le tournoi. J’ai fait un petit discours en recevant ma récompense et je n’ai pas eu d’autre inspiration que cette histoire de parapluies. Un Irlandais était là et me dit: « it’s fantastic, we need positive ideas ! » J’ai alors proposé de créer une association d’optimistes: trente Hollandais ont approuvé, en flamand: « fantastich ! »…

Le lendemain, je me suis mis à l’écriture des statuts de l’association. L’idée fondatrice est la suivante: je suis le maître de chacune de mes pensées, et pas l’inverse. Ce qui suppose la question socratique de savoir « qui je suis ? »… mais je la laisse à l’intimité de chacun. Si je suis le maître de chacune de mes pensées, je suis une personne libre, si j’ai cette liberté sur ma pensée, je suis responsable. Responsable de ma vie, de mon bonheur, de mon environnement, responsable pour le monde. L’association est d’abord un mouvement de pensée fondé sur la responsabilité individuelle de chacun: si nous voulons que le monde devienne meilleur, il va falloir que chacun s’y implique.

L’association compte maintenant en Belgique près de 5000 membres. Nous avons créé la même Ligue des optimistes aux Pays-Bas, en Allemagne, plus récemment en France, notamment avec France Roque, Jean d’Ormesson, Erik Orsenna, Matthieu Ricard, Éric-Emmanuel Schmitt… Aussi en Espagne, au Bénin, en Suisse, bientôt en Norvège… Le mouvement prend de l’ampleur. Nous avons donc créé un mouvement international, Optimistes sans frontières ! L’idée est de créer un nouvel État. J’ai imaginé pour cela un concept, « l’Optimistan », un État métaphorique dont les optimistes seraient les citoyens: c’est « l’état de conscience » dont parlait le philosophe Teilhard de Chardin qui disait qu’à mesure que le monde deviendra complexe, il conviendra d’en élever l’état de conscience.

«L’optimistan », un nouvel état… de conscience

Nous nous référons aussi à la pensée d’Emmanuel Kant qui disait qu’il faut agir de telle sorte que l’ordre ne soit pas troublé, en agissant comme nous agissons. Tout cela m’intéresse car, si nous avions à agir comme le modèle capitaliste ultra-financier créé en Occident, alors la vie sur Terre ne serait tout simplement plus possible pour nos enfants ou petits-enfants. La question est bien de savoir: est-ce que c’est cela que nous voulons ? Ma réponse est: non.

Nous vivons dans une des parties les plus prospères de la planète et qui a une population très éduquée, nous avons donc le devoir impérieux d’inventer un nouveau modèle de société qui, s’il était appliqué par l’action de tous, pourrait fonctionner. Il a été évoqué (dans ce séminaire d’entreprises) la question de la « déviance » (dans les relations entreprises/clients), j’ai envie de dire: excusez- moi d’être un peu subversif, cette déviance-là ne trouve-t-elle pas son corollaire dans la déviance du monde financier ? Dans la crise que nous vivons, les fortunes sont en train de se concentrer de manière hallucinante, les actionnaires gagnent de plus en plus d’argent et quand je vais dans mon agence bancaire, je constate que là où il y avait, il y a dix ans, quatre employés, il n’y en a plus que deux, que les files d’attente sont de plus en plus longues, que les clients sont de plus en plus mécontents. Je me dis que nous assistons à une hyper-financiarisation du monde, qui pose un véritable problème. Dans certaines écoles de management, on nous apprend – et c’est dégueulasse ! – que le but de l’entreprise, c’est le profit. Pour moi, le but de l’entreprise, ce n’est pas le profit, c’est créer une oeuvre, une oeuvre collective, responsable, pour que le monde devienne plus beau. Et le profit doit être une conséquence nécessaire, pas le but.

La chenille et le papillon

Dans le management des entreprises, ou des structures que vous pouvez diriger, vous avez donc une responsabilité considérable. Ne vous comportez pas en mercenaires d’un capital cupide. À un ami, qui dirige une chaine de télévision belge, je lui ai directement dit: « est-ce que tu vas cesser un jour de concevoir la télévision comme une machine à abêtir les masses ? ! » Réponse: « mon rôle consiste à créer de la valeur pour l’actionnaire ». Je pense que c’est un véritable problème. Je pense que les personnes du management doivent résister à cela, et créer un contre-pouvoir vis-à-vis des actionnaires pour protéger ceux qui sont « en dessous », les petits salariés notamment, qui subissent une pression parfois insupportable.

Pour moi, le contraire de l’optimisme n’est pas le pessimisme, c’est le cynisme. Le but de notre mouvement est aussi de nous battre contre le cynisme. J’envoie une lettre hebdomadaire à 25 000 personnes et je peux voir qui l’ouvre ou qui ne l’ouvre pas, et je vois que de grandes personnalités comme Mario Draghi ou Manuel Barroso l’ouvrent chaque semaine. Ce qui veut dire qu’il ne faut pas croire que ce que vous pensez n’a pas d’influence, votre pensée peut avoir une influence sur les autres et sur le cours de choses. Et il ne faut pas tout bouleverser pour aller dans la bonne direction…

L’association dont je m’occupe a rendu ma femme un peu moins optimiste car j’ai abandonné mes activités d’avocat fiscaliste (rires) et je gagne beaucoup moins d’argent. Mais j’ai réduit mon train de vie, et je vois que cela n’entame pas, bien au contraire, mon plaisir de vivre.

L’importance de la « reliance »

On me pose souvent la question, mais comment être optimiste par ces temps de crise ? Je réponds que c’est en raison de la crise, que je peux être optimiste. Je pense que le monde est en train de changer et que ce changement était devenu nécessaire, et même urgent. Alors, bien sûr, cela passe par une phase difficile. Quand la chenille devient papillon, la chenille croit que c’est la fin du monde, alors qu’une nouvelle et belle vie commence pour l’envol du papillon. Les gens, dans la crise, sont forcément déprimés. Mais l’antidote que je propose, c’est la reliance. C’est-à-dire que les gens se re-parlent. On a beaucoup observé le morcellement de la société, les gens ne s’y parlent plus suffisamment, on est devant son écran d’ordinateur, son écran de télévision, son écran de téléphone portable, et tout ces écrans font naturellement… écran. Je pense que pour être plus heureux dans nos vies, il faut aller vers une relation personnelle entre les gens et vers une « sobriété heureuse », en apprenant à vivre plus sobrement, à être moins dépendant de gadgets qui finissent par empoisonner notre vie.

J’étais récemment invité à un grand congrès d’entreprise, qui se glorifiait de sa « culture d’entreprise », et je leur demandais de s’interroger, au-delà de la « culture d’entreprise », sur la « conscience d’entreprise ». J’ai demandé à une série de philosophes de participer à un ouvrage collectif qui posera la question de ce que l’entreprise fait, du sens du service offert, de la direction que ce service offre à l’évolution du monde, et de la place des salariés dans ce sens donné à leur action.

Luc SIMONET
Président de la Ligue des Optimistes du Royaume de Belgique – www.liguedesoptimistes.be
(In La Revue Civique n°11, Printemps-Été 2013)
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« Nous combattons le nihilisme moral »

La Ligue des Optimistes communique ce texte : « …Nous avons un esprit et non une doctrine. Cet esprit est un esprit de solidarité, de justice, de liberté, de respect pour la personne humaine. Si diverses que soient nos croyances, si dissemblables que soient nos milieux, nous avons tous cette conviction commune que c’est pour l’homme un devoir positif de se dévouer et d’agir. Nous estimons donc que toutes les façons de vivre ne sont pas équivalentes. Nous combattons le nihilisme moral, quelque nom qu’il porte. Nous croyons à la nécessité, à l’efficacité de l’effort…

Nous sommes persuadés que, dans notre société émiettée, les divisions sont plus factices et moins irréductibles qu’elles ne le paraissent et que, dans une commune recherche de la paix sociale et de l’union nationale, peuvent se rencontrer les hommes de bonne foi, dégagés de tout esprit de secte et de parti…

Le fait d’adhérer à notre réunion n’implique pas autre chose que la reconnaissance de ces principes et le consentement à ce programme. Chacun, sous sa seule responsabilité, continue à agir dans son milieu, mais avec un zèle accru par le sentiment de la coopération… »

André MAUROIS, dans « Lyautey » (Ce manifeste a été écrit il y a près d’un siècle)

►Sur le même sujet : la vidéo « Une certaine idée de l’entreprise » avec Luc Simonet