« Il faut aider les Ukrainiens par tous les moyens »: Jean-Dominique Giuliani, Président de la Fondation R. Schuman

Le Président de la Fondation Robert Schuman, Jean-Dominique Giuliani, répond à nos questions sur ce qui est pour lui la cause « existentielle » de l’Europe qui se doit d’amplifier ses soutiens à l’Ukraine. Il s’agit, souligne-t-il, de gagner le combat des libertés contre les menaces que fait peser la Russie de Poutine sur le continent.

-La Revue Civique : concernant la guerre lancée depuis un an par la Russie de Poutine contre l’Ukraine, vous parlez pour l’Europe de cause « existentielle ». Pour quelles raisons ?

-Jean-Dominique GIULIANI : L’Europe est fragile. Son histoire est faite de conflits ethniques, religieux, diplomatiques et militaires. Le continent est parcouru de ressentiments et de potentielles oppositions. Grâce à la construction européenne, il a banni le recours à la force et imposé la résolution des différends par le droit et le dialogue. L’action de Poutine remet en cause cet acquis. D’autant plus que le pouvoir russe a transformé son agression en combat contre tout ce que représente l’Union européenne, dont il s’est déclaré lui-même un ennemi.

En flattant les mauvais penchants qu’il est toujours possible, pour les dictateurs, de réveiller chez un peuple, nationalisme, révisionnisme, revanchisme, Poutine défie les Européens de défendre leur modèle de société et plus généralement les libertés telles que nous les concevons.

-Comment jugez-vous aujourd’hui la position de la France par rapport à celles de ses partenaires européens ?

-La France a tardé à se convaincre de l’ampleur du défi lancé par le satrape russe. Puissance nucléaire, elle ne parle pas le même langage que les autres Européens et s’est montrée, à l’image des Américains, raisonnable pour deux.

Mais je crois que, désormais, le masque est tombé et que ses dirigeants ont acquis la certitude qu’on ne pouvait pas laisser triompher en Europe un tel impérialisme et une telle déstabilisation. La remise en cause du droit international, de la parole donnée (et ratifiée) et des frontières est un poison mortel pour toute la société internationale et pour l’Europe en particulier.

« Il est évident que la Russie de Poutine a « acheté » des soutiens au sein de la société française »

-Beaucoup d’observateurs ou acteurs publics, comme par exemple l’ancienne Ministre Corinne Lepage, estiment que la guerre en Ukraine a aussi révélé l’ampleur des réseaux pro-russes en France. Etes-vous d’accord et quels sont ces réseaux ?

-Les sentiments des Français peuvent avoir, me semble-t-il, plusieurs causes possibles :

L’ignorance de l’histoire, notamment de l’Europe centrale, mais aussi de la Russie et de la situation présente. La peur, notamment d’une extension du conflit. L’esprit « munichois, qui fait toujours hélas partie du réflexe de certains, Une fausse idée de la Russie, une idée idéalisée qui, de l’entrevue de Tilsit à la ruine des emprunts russes, n’a jamais correspondu à la réalité. Une attirance des extrêmes, de gauche et de droite, pour les pouvoirs forts sans voir qu’on soutient une dictature.

Je vous laisse choisir….

Pour le reste, il est évident que la Russie de Poutine a « acheté » des soutiens au sein de la société française.

« La Russie – qui n’a jamais jugé les crimes du communisme – continue d’être une menace pour ses voisins ».

-Au-delà des soutiens affirmés à l’Ukraine par les dirigeants européens, quel peut être, et doit être, selon vous l’engagement des citoyens et des acteurs de la société civile en faveur des Ukrainiens ?  

-Les peuples ont choisi plus rapidement que leurs dirigeants. Ils ont parfaitement compris les enjeux, notamment le combat pour les libertés, que Poutine ne cesse de violer avec un cynisme jamais vu en Europe depuis les nazis.

Le comportement inacceptable de l’armée russe – les viols, les tortures, les exécutions sommaires…- confirme aussi pourquoi il faut s’engager pour l’Ukraine. Les Européens rejettent ces pratiques. En fait, les Européens sont profondément attachés à ce qu’ils ont construit après le Second Conflit mondial.

La Russie, elle, n’a jamais fait le moindre travail sur son identité, son passé, son histoire. Elle n’a même pas jugé les crimes du communisme. Elle continue d’être une menace pour ses voisins, ce qu’elle n’a jamais cessé d’être.

Nous devons tout faire pour qu’elle ne gagne pas son bras de fer avec notre société de libertés et de solidarités. L’heure n’est hélas plus au dialogue. Il faut aider l’Ukraine et les Ukrainiens par tous les moyens.

Propos recueillis par Jean-Philippe MOINET

(13/02/23)

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