Gilets jaunes, haines diffuses et bêtise abyssale (par Marc Knobel)

Beaucoup de choses ont été dites, écrites et pensées sur le mouvement autoproclamé des gilets jaunes, sans leader et cohésion, car ce mouvement est loin d’être homogène, mais dont les revendications disparates et contradictoires s’ajoutent les unes aux autres, depuis plusieurs semaines. Les gilets jaunes disent se battre contre les taxes et les impôts, la cherté de la vie, l’injustice sociale, pour une plus grande représentativité et une plus juste solidarité. Il est vrai que la pauvreté et la misère affectent des millions de français : travailleurs, ouvriers, chômeurs, déclassés, agriculteurs sacrifiés, classe moyenne, retraités, jeunes, désœuvrés… Ces gens se sentent abandonnés par les technocrates, une classe politique distante, arrogante. Ils le sont réellement. Personne ne peut et ne doit douter que la vie est bien trop difficile pour bon nombre de nos compatriotes. L’injustice, l’isolement, l’abandon, la paupérisation sont insupportables. Et la réponse doit être politique, forcément, essentiellement. Mais, cette question brûle nos lèvres : pour se faire entendre par la classe politique, le Président et le Gouvernement, doit-on casser et brûler, incendier et menacer ?

Marc Knobel, historien et essayiste, s’insurge dans ce texte contre les dérives et violences qui caractérisent le mouvement des « gilets jaunes ».

Nous avons assisté ces derniers temps à des scènes d’une violence inouïe, dans un Paris outragé et violenté, également par de méchants casseurs et de petits voyous, des factieux de l’ultra gauche ou de l’ultra droite et des gens qui se sont radicalisés, qui s’infiltrent et infiltrent ce mouvement et ce qu’il en reste. Des immeubles et des voitures ont été incendiés dans les rues et les avenues de notre belle capitale. Des biens de la République, en province et à Paris délibérément détruits, des commerces saccagés, volés. Des passants apeurés, des pavés et autres instruments contondants ont été lancés pour détruire ou blesser, des voies publiques ont été dégradées. L’Arc-de-triomphe a été profané. Pourtant, ce lieu de mémoire appartient à toute la Nation, à tous ceux qui ont sacrifié leur vie justement pour défendre la Patrie et à qui nous devons notre liberté chérie. Plus largement, et de semaines en semaines, des policiers et des gendarmes ont été insultés, injuriés, blessés, agressés…

Effarés, les étrangers assistent à ce triste spectacle

Jusqu’à ce que nous voyons en boucle, ces images délirantes et choquantes : trois motards de la police sont coincés par une horde de fous furieux et de gilets jaunes. Ils veulent en découdre. Non, ils peuvent/veulent « casser du flic », ce faisant, ils pourraient tuer. Un policier se sentant en danger sort alors son arme de service, pendant quelques secondes. Plus loin, ailleurs, des factieux appellent à tuer le président de la République, à prendre l’Elysée, des députés sont menacés de mort, des permanences sont saccagées, incendiés. Mais, que veulent-ils donc ? Pendre en place publique ? Que dire également de cette décapitation d’un mannequin à l’effigie de Macron, à Angoulême ?

Effarés, les étrangers assistent en France à ce triste spectacle, les touristes fuient. Le secteur touristique est en berne. Les télévisions du monde entier montrent en boucle les affreuses images de cette désolation. Et, nous sommes sans voix devant la liste impressionnante des violences, dégradations et agressions qui ont été commises. Le commerce va devoir faire son deuil de ces semaines épouvantables et l’addition sera lourde. L’économie, déjà en souffrance, va subir de plein fouet, le ricochet. A défaut d’être compétitive, le ralentissement de notre économie va s’accentuer gravement. La France se révèle une fois encore, irréformable.

Cris racistes, homophobes, antisémites,

« quenelles » brandies par des manifestants…

Mais, nous entendons aussi les hurlements, les rugissements, les cris racistes et homophobes et nous voyons ici ou là, les signes distinctifs : des drapeaux de l’ultra droite notamment, les « quenelles » brandies par des manifestants, ce signe abject inventé par un multirécidiviste de la haine, maintes fois condamné par la justice, en la personne de Dieudonné M’bala M’bala. Dans un tweet ce 24 décembre, Bernard Pivot s’insurge avec raison : « Quenelle, joli mot de la cuisine lyonnaise, mot que je chéris parce que les quenelles de ma mère étaient divines, mot sali, souillé, déshonoré par Dieudonné et les gilets jaunes antisémites. »

Libération, le 1er décembre, a pu identifier plusieurs figures de mouvements d’extrême droite et de nombreux symboles et slogans. Plusieurs groupuscules nationalistes et d’extrême droite sont notamment à la manœuvre. Plusieurs groupuscules catholiques traditionalistes, notamment de la fraternité Saint Pie X, de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet sont aussi présents, reconnaissables à des symboles tels que le drapeau du Sacré-Cœur de Jésus, bardé du slogan « Espoir et salut de la France », ou encore des drapeaux royalistes à la fleur de lys, poursuit le journal.

Les mouvements d’extrême droite les plus radicaux ont ostensiblement infiltré les gilets jaunes.

Le multi-condamné Dieudonné a enfilé le gilet jaune, où les thèses antisémites et xénophobes sont propagées.

Ajoutons ces derniers développements. « Vous nous gazez comme des putains de juifs » prononcé le 23 décembre par des gilets jaunes à Paris. Des quenelles et des saluts nazis à Montmartre, des propos négationnistes sur la ligne 4 du métro parisien ; sur les quais de Rhône, en plein mouvement Gilets Jaunes, une inscription sur une banderole : Macron=Drahi=Attali, Banques=médias= Sion. L’ultra droite, factieuse par nature, récupère les mécontents, pour jeter en pâture la République, la finance internationale, la mondialisation, les minorités, les Juifs. Le 24 décembre, excédée, sur Tweeter, l’humoriste et comédienne Sophie Aram s’exclame : « Les slogans complotistes, antisémites, racistes, sexistes, homophobes, les menaces et violences envers les journalistes et les élus… ne sont rien comparés à la masse inerte de Gilets Jaunes que ça ne dérange pas ».

Et c’est bien là le problème. Pourtant, des gilets jaunes condamnent les violences, mais certains tentent de les excuser, sous le fallacieux prétexte que les gens sont/seraient excédés. L’exaspération doit-elle mener à de telles extrémités ? Qu’il faille en découdre à tous les coins de nos rues? Que l’on veuille marcher sur l’Elysée ? Quelle est cette révolution qui ne dit mot et qui se croit encore sous l’Ancien Régime ? Et que sont ces forces qui veulent changer de régime ? Mais, pour le substituer à quoi ? Pour quel autre régime ? Une dictature du prolétariat ?

L’ultra droite se fédère

Cette fois-ci, les choses sont claires.  Sur le site Internet de « l’essayiste » d’extrême-droite Alain Soral, Égalité et Réconciliation, une annonce est publiée. Une « grande réunion publique » devrait avoir lieu le 19 janvier 2018, en présence du militant d’extrême droite, Yvan Benedetti, qui a présidé le groupuscule de « l’œuvre française » en 2012. Rappelons que le 22 octobre 2018, à l’occasion du décès du négationniste Robert Faurisson, Benedetti rendait sur Twitter hommage au négationniste, qu’il qualifie notamment de « Hérault (sic) des temps modernes qui aura marqué la 2ème moitié du XXe siècle (1).» En présence également du directeur de l’hebdomadaire négationniste et d’extrême droite, Jérôme Bourbon, condamné récemment par la justice pour des tweets négationnistes et antisémites; d’Elie Hatem, du mouvement royaliste l’Action Française ; du militant antisémite et négationniste, Hervé Ryssen, multirécidiviste, qui a été condamné maintes fois par la justice et de l’inénarrable Alain Soral.
L’ultra-droite s’avance, profite de la colère, l’instrumentalise et veut fédérer autour de l’antisémitisme.

Conclusion provisoire

Et que sont également, ces populistes grincheux et ces partis politiques dont le Rassemblement national ou les Patriotes, qui tentent de récupérer eux aussi la colère populaire ? Et qu’est-ce que cette sacralité qui fait que l’on n’ose pas, que l’on n’ose plus dire un mot sur le mouvement autoproclamé des gilets jaunes, sorte de fourre-tout aussi de coléreux et de mécontents mais pas seulement, sans craindre de se faire lyncher en place publique ?

Les souffrances sont réelles, la colère palpable, c’est un fait. L’arrogance du pouvoir et des politiques, sont certaines, c’est un autre fait. Pourtant, il faudrait repenser cette colère et la traduire différemment. Vouloir en découdre tous les samedis, pousser des coups de gueule, balancer des pavés sur la gueule des flics, occuper des ronds-points, tenir des propos antisémites, rien de tout cela ne constituera jamais une politique.

Marc KNOBEL, historien,
auteur de « L’Internet de la haine » (Ed Berg International).

(28/12/18)

(1) Voir à ce sujet http://www.conspiracywatch.info/deces-de-faurisson-la-complosphere-antisemite-en-deuil.html