Face à la crise économique: il faut « une reprise durable » et « se renouveler », nous déclare Olivia Grégoire

Députée LREM de Paris et vice-Présidente de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, Olivia Grégoire, évoque dans La Revue Civique ici, sur les réponses à apporter à la crise économique et sociale qui s’annonce d’une ampleur historique cette année. « A partir du moment où l’économie menace de s’effondrer, s’astreindre à la règle des 3 % (de déficit budgétaire) ne serait plus un signe de rigueur mais d’aveuglement » explique-t-elle. L’avenir doit selon elle amplifier un vaste mouvement: « La loi PACTE et le Pacte productif montrent bien que l’enjeu du changement de modèle des entreprises et des modes de production étaient déjà au cœur de notre action (…) mais il s’agit d’aller plus fort et plus loin car la crise renforce l’urgence. Se réinventer, ça veut dire se renouveler: aller chercher de nouvelles idées auprès de nouvelles personnes, se fixer de nouveaux objectifs avec un nouveau cadre ». Entretien.

-La Revue Civique: dans la crise économique et sociale qui s’annonce d’une ampleur inédite depuis 1945, quel est selon vous le levier le plus efficace, pour une reprise rapide qui pourrait compenser au mieux la chute du PIB, annoncée de 8% cette année 2020 ?

-Olivia GREGOIRE : Le levier efficace à mes yeux, ce ne sera pas celui qui nous offrira une reprise rapide mais une reprise durable. Dans tous les cas, il ne faut pas se voiler la face : la reprise ne sera pas aussi rapide que la chute, il sera impossible de compenser dès 2020 la perte de PIB. Nous allons subir la déflagration d’une crise inédite, dont les conséquences économiques sont encore largement inconnues — ce pourquoi nous ne devrons pas lever trop vite les mesures de soutien, massives et exceptionnelles, que nous avons mises en place, comme le chômage partiel et les prêts garantis. Mais la persistance de ce traumatisme, en particulier pour des secteurs comme le tourisme, doit nous inciter à ne pas revenir au monde d’hier mais plutôt créer les conditions du monde demain.

Se réinventer, ça ne veut pas dire se renier. Se réinventer, ça veut dire se renouveler »

– L’endettement public paraît, aux économistes aussi, une solution indispensable de court terme pour sortir au mieux de la crise. Mais comment, avec une dette publique (Etat et comptes sociaux) qui atteindrait 115% du PIB en France, éviter de limiter encore plus, à l’avenir, les marges de manœuvre budgétaires du pays ?

-Entre un budget à l’équilibre et une économie à l’équilibre, mon choix ne fait pas de doute. Jusqu’au déclenchement de la crise, le Gouvernement a respecté le paradigme des 3% de déficit, un marqueur essentiel de confiance pour les marchés financiers qui, in fine, sont ceux qui décident du taux auquel nous pouvons emprunter et notamment financer notre modèle social. Toutefois, à partir du moment où l’économie menace de s’effondrer, s’astreindre à la règle des 3 % ne serait plus un signe de rigueur mais d’aveuglement. Refuser la dette, ce serait obérer nos perspectives de croissance. D’autant que la dette est toujours relative : les dépenses que nous faisons aujourd’hui étaient impensables il y a encore deux mois et d’ailleurs, si nous les avions décidées il y a deux mois, ou si la BCE n’avait pas pris les mesures fortes qu’elle a adoptées dès le début de l’épidémie, la courbe de nos taux d’intérêt aurait subi une toute autre pente.

-Beaucoup de spéculations se font, dans les divers courants de pensées, sur le fameux #MondedApres. Quelles sont, à vos yeux, les sujets sur lesquels il faut rapidement innover et #SeReinventer, comme l’a souhaité, pour lui-même aussi, le Président de la République ?

-Se réinventer, ça ne veut pas dire se renier : la loi PACTE et le Pacte productif montrent bien que l’enjeu du changement de modèle des entreprises et des modes de production étaient déjà au cœur de notre action. Nous sommes dans la continuité de ce qui a été engagé par la majorité, mais il s’agit d’aller plus fort et plus loin car la crise renforce l’urgence. Se réinventer, ça veut dire se renouveler : aller chercher de nouvelles idées auprès de nouvelles personnes, se fixer de nouveaux objectifs avec un nouveau cadre, chercher de nouveaux partenaires autour de nouvelles ambitions.

Notre projet: réformer la France au-delà des divisions de chapelles; lui permettre de faire face à un monde, qui a profondément changé ».

A côté de cela, il faut reconnaître que la crise a créé un consensus sur la nécessité de recouvrer notre indépendance alimentaire et sanitaire. Dont acte, même si, à côté de l’indépendance énergétique que nous voulons également maintenir, cela risque de se traduire par une hausse du prix de ces biens et donc une baisse du pouvoir d’achat. À nous de trouver les meilleures manières de mettre en œuvre ce changement majeur. Pour ce faire, nous allons devoir inventer tout court.

Et sur le plan politique, la majorité doit-elle s’ouvrir encore, par exemple vers les écologistes, le socialistes sociaux-démocrates et/ou, en même temps, vers la droite LR ?

-Faut-il rappeler que dès 2017 la majorité s’est ouverte aux écologistes, aux sociaux-démocrates et aux libéraux ? En dépit des péripéties qui sont partie intégrante de la politique, ces composantes demeurent toujours représentées au sein de notre mouvement. Notre projet est toujours le même : réformer la France au-delà des divisions de chapelle, lui permettre de faire face à un monde qui a profondément changé depuis trente ans. Ce projet est plus que jamais d’actualité.

Propos recueillis par Jean-Philippe MOINET

(06/05/20)

La député de Paris, vice-Présidente de la Commission de l’Assemblée, le dit à La Revue Civique aujourd’hui: en plusieurs domaines, à l’avenir dans la majorité et pour tout le monde, « il va falloir inventer tout court ».