Les tractations du ministre afghan de la défense

Bismullah Khan Mohammadi, Ministre de la défense afghan

Le Ministre afghan de la Défense, Bismillah Khan Mohammadi, s’exprimait en janvier dernier à l’École Militaire, lors d’une conférence organisée par l’association IHEDN-région Ile-de-France, avec le Club France Afghanistan et l’IPSE (Institut Prospective et Sécurité en Europe). A noter que le 5 avril dernier se déroulait le premier tour des élections présidentielles en Afghanistan. L’actuel président Hamid Karzaï n’est plus éligible du fait de la limitation du nombre des mandat, et c’est l’ancien chef de la diplomatie, Abdullah Abdulla, qui  est arrivé en tête de ce premier tour avec 44,9 % des suffrages exprimés. Un second tour est prévu le 28 mai.
Pendant son discours, Bismillah Khan Mohammadi soulignait les progrès réalisés dans son pays dans les domaines de l’éducation, de la santé, des pratiques démocratiques, du droit des femmes et de l’économie. Il a également rappelé que ces résultats n’auraient pas été possibles sans l’aide internationale, celle de l’OTAN et, en son sein, de la France. Selon lui, l’immense effort visant à consolider les forces afghanes de Sécurité a été permis grâce à la persévérance des Afghans et à la formation qu’il estime devoir se poursuivre avec l’aide de certains pays, dont la France.
Dans le jeu des questions – réponses, et sur l’Iran notamment, voici quel était son propos.

Sur l’annonce antérieure, faite par le Président Nicolas Sarkozy, sur le désengagement accéléré des forces françaises présentes en Afghanistan. Et question sur les avancées de la coopération militaire franco-afghane.
« On respecte la décision de l’ancien Président français Nicolas Sarkozy. De notre point de vue, la France et les soldats français engagés sur le terrain ont fait ce qu’il fallait faire. Ils ont formé des officiers afghans, ils ont aidé dans les domaines de l’éducation, de l’agriculture… un peu dans tous les secteurs. Leur part d’amitié est faite, nous en sommes très reconnaissants. Pour le moment nous avons 500 soldats, parmi les forces françaises, en service dans notre pays. Les Français sont en train de former les officiers afghans, l’armée nationale afghane. Quelque part c’est suffisant pour nous. Mais maintenant que le rôle des forces des autres pays étrangers se termine, nous voulons que la France s’engage dans le domaine de la formation pour notre armée et la police, et qu’elle nous apporte le soutien, une aide au niveau des armements, des équipements. »

Sur la capacité des Afghans à s’entendre, entre eux, quand les Américains et les forces d’autres pays ne seront plus en Afghanistan. Et le terrorisme n’est-il pas du à la présence américaine en ce pays ?
« Les talibans et les terroristes, avant même la présence américaine, faisaient la guerre contre le gouvernement légitime de l’Afghanistan. Il n’y avait pas l’OTAN, il n’y avait pas les étrangers. Les talibans et les terroristes n’ont d’ailleurs pas la commande de leurs décisions entre leurs mains, se sont les esclaves de pays étrangers, ils ne savent pas ce qu’ils font ! Que les étrangers, les Américains (et forces de la coalition internationale, ndlr) restent ou partent, talibans et terroristes continueront… Nous sommes en train de renforcer nos forces militaires, nous sommes en train de les former pour maintenir la sécurité en Afghanistan ».

Si les forces étrangères quittent l’Afghanistan, n’avez-vous pas peur que ce soit le chaos?
« Malheureusement, nous n’avons pas la capacité de nous défendre tout seul, c’est pour cela que nous avons souhaité garder à nos côtés des forces de la coalition internationale. Mais un jour viendra où nous ferons cela nous-mêmes. Le combat continue. Les forces de l’armée afghane n’ont pas atteint les objectifs pour le moment. Au niveau de la logistique et de l’approvisionnement, l’État afghan n’est pas encore capable, seul. Il n’y a pas encore de traces de paix, de stabilité. Les Afghans et les Américains avaient un but, une mission : éliminer les terroristes, ce qui n’a pas encore été fait. Nous avons besoin de l’aide, de l’OTAN, pour renforcer notre armée et devenir indépendants au niveau militaire, pour défendre notre pays, un jour, nous-mêmes ».

« Nous ne pouvons nous défendre seul »

Le vrai ennemi de l’Afghanistan est-il le terrorisme ou le narco-trafic?
« Les drogues et les terroristes sont les deux éléments qui menacent les Afghans et les étrangers. Ce n’est pas seulement une menace Afghane, ils menacent tout le monde en fait. La culture de la drogue permet d’approvisionner les talibans et les terroristes. C’est grâce à cela qu’ils ont des ressources pour soutenir leurs combats ».

Pouvez-vous préciser l’accord qui a été signé avec l’Iran?
« L’Iran est un pays frère qui est voisin. Nous avons des relations très amicales avec lui. Il y a plusieurs millions d’immigrés afghans qui sont actuellement présents sur le sol iranien. De la même manière qu’il y en a au Pakistan. Nous sommes très reconnaissants de tout  ce qu’ils ont fait pour les réfugiés afghans. L’Iran nous a aidé dans un sens positif et nos relations avec l’Iran sont bonnes. Nous sommes sûrs que pendant l’année 2014 l’Iran va nous aider dans le sens positif.»

L’Iran, « pays frère »…

Une éventuelle collaboration militaire avec l’Iran?
« Pendant le dernier voyage du chef de l’État afghan, M. Hamid Karzaï, en Iran, le sujet a été discuté, l’Afghanistan ayant signé des traités d’amitié avec plusieurs pays dont l’Iran. Les deux côtés continuent à travailler sur les détails de ce traité d’amitié. Cela n’a pas encore été finalisé donc je ne peux pas vous donner plus de détails. »
«(…) Le but du voyage de M. Karzaï en Iran était très clair. Il était de montrer que c’est le peuple et l’État afghan qui va décider du BSA (traité bilatéral de sécurité avec USA). Naturellement l’Iran est contre la présence militaire américaine dans la région, y compris en Afghanistan. Mais très clairement, les dirigeants iraniens ont dit à Hamid Karzaï qu’ils respecteraient la décision du peuple et du gouvernement afghan au sujet de BSA. »

Dans le cadre d’un traité de sécurité, votre gouvernement accepterait-il la présence des Pasdarans iraniens en Afghanistan ?
« Nous n’avons pas discuté de ce sujet là. Ce serait à l’État afghan d’en discuter. Ce n’est pas vraiment le sujet de cette discussion ».

Le président Hamid Karzaï a demandé à l’Inde de renforcer sa coopération militaire, au-delà de la formation des officiers et des équipements militaires. Quelle est la réponse indienne ?
« L’État afghan a signé un traité d’amitié avec l’Inde qui va nous aider dans plusieurs domaines différents, surtout dans le domaine de la gouvernance. Concernant les forces armées, ils ont participé à la formation des forces afghanes. Pour le moment, nous n’avons pas reçu d’équipements de la part de l’État indien. Cela a bien été discuté lors de la visite de M. Karzaï en Inde. Mais pour le moment nous n’avons pas une réponse concrète de la part des Indiens. On a tendu la main à chaque fois à des pays pour qu’ils aident nos forces armées. On continue de leur tendre la main pour cette aide précieuse. »

Quels sont les équipements dont vous avez besoin?
« Aujourd’hui, j’ai rencontré votre Ministre de la Défense (M. Le Drian) et le chef d’État Major pour qu’ils comprennent les défis et difficultés qui sont les nôtres, concernant nos armées. Je vais déposer une liste des matériels dont nous avons besoin à votre Ministre de la Défense. Il nous a promis de former nos pilotes afghans. Mais il n’a pas encore parlé des avions… (rires). La France a été un pays ami depuis l’invasion soviétique jusqu’à aujourd’hui, nous en sommes très contents. J’espère que vous arriverez à convaincre vos parlementaires pour nous fournir l’équipement dont nous avons besoin (rires) ».

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