Le pacifisme incivique du prince Villepin

Dominique de Villepin (Maya-Anais Yataghene / Flickr)

Ce texte de Jean-Philippe Moinet, directeur de la Revue Civique et éditorialiste pour JOLPress (Journalism OnLine), a été publié sur le Huffington Post (01.10.2014).

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Dominique de Villepin aime se distinguer. Mais sa petite musique « pacifiste » résonne comme un chant dissonant et incivique, au moment où nos troupes sont engagées contre les furieux criminels de l’État Islamique (EI), au moment où une lutte sans merci a du être renforcée contre le terrorisme que le fanatisme islamiste sème sur les cinq continents.

Auréolé de son célèbre discours de 2003 à l’ONU – qui a satisfait tous les « non alignés », il est vrai nombreux cette année là, à vouloir se distinguer de la position américaine d’intervention en Irak – le prince de Villepin se croît aujourd’hui autorisé à faire la leçon de géopolitique, sinon à la Terre entière, du moins aux États membres de la coalition occidentalo-arabe, qui a choisi de faire « la guerre » contre un État Islamique qui menace tout le Proche-Orient et donc, en cascade, les zones les plus voisines, dont l’Europe.

Tout l’argumentaire de l’ancien Premier ministre (retiré des affaires politiques pour faire des affaires privées, notamment comme consultant de luxe de certains clients qui gravitent autour des Émirats), consiste à nous expliquer doctement que « la guerre contre le terrorisme » n’est pas la solution : « cette guerre est sans victoire » écrit-il dans Le Monde (du 1er octobre). Son couplet en devient défaitiste, concernant cette lutte armée, déclenchée depuis des années par les fanatiques du fondamentalisme, l’épisode du 11 septembre 2001 ayant révélé spectaculairement au monde la violence de la menace.

Une croisade moralisatrice

Son couplet vire même à l’accusation, quand il reprend le vieux refrain de la culpabilisation occidentale, quand le prince Villepin écrit par exemple que « dix ans d’interventions incohérentes au Moyen-Orient ont enfanté et nourri l’EI ». Mais oui, mais c’est bien sûr, tout le monde peut constater que les djihadistes sans frontières n’existent aujourd’hui que par la faute, essentielle, existentielle, d’une Amérique et d’une Europe, coupables d’être des fauteurs de guerre ! Chacun sait que Barak Obama est George Bush ! Que Hollande est Sarkozy ! Que gauche et droite sont réunies, en France comme aux États-Unis, dans une culpabilité dont seul, le prince Villepin en croisade moralisatrice a percé le secret !

Son couplet devient carrément choquant quand il met dos-à-dos les démocraties qui se défendent et les criminels qui agressent : « La ‘guerre globale contre le terrorisme’ imaginée par George Bush, écrit-il, fait écho au califat global. Même penchant pour l’idéologie, même réflexe de la force, même passion des images ». Cette équidistance est sans doute la plus douteuse de l’argumentation villepinesque car elle en vient, dans une sorte de neutralisme, à ne différencier aucune des deux parties en guerre, et donc à mettre dans un même sac réprobateur, les démocraties occidentales et les islamistes fanatiques.

Peut-on accepter, même si tout le monde peut convenir qu’une guerre ne règle pas tous les problèmes et qu’elle peut même en susciter d’autres, oui, peut-on accepter que nos Etats européens en conflit contre un redoutable terrorisme soient ainsi abaissés, dans des arguments qui frisent l’insulte collective ?

Une alliance des civilisations

M. de Villepin se trompe quand il estime qu’actuellement « nous franchissons un pas de plus vers la guerre de civilisations », alors que des Etats arabes fermement coalisés contre l’Etat Islamique, comme de très nombreux musulmans du monde entier, crient leur colère et clament haut et fort que ces « fous furieux de Dieu » ne sauraient parler en leur nom (« Not in my name !» ). M de Villepin, aveuglé par son « égo », serait-il devenu sourds, ou malentendants ? Il est manifestement imperméable, et c’est cela le plus désolant, à l’enjeu actuel de cette « guerre » contre le terrorisme qui doit non seulement mobiliser les chancelleries et les services de sécurité, mais toutes les populations concernées par les menaces : ce conflit reflète non pas une guerre, mais une alliance des civilisations qui, par tous moyens – et pas seulement guerriers – doit faire face à la barbarie.

Jean-Philippe Moinet (01/10/2014)

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