Le Musée Mohammed VI de Rabat expose depuis la mi-octobre (et pour 4 mois) les oeuvres photographiques d’un groupe de prodigieux photographes, qui offrent une vision à la fois colorée, puissante et sensible de la vie et de leur Continent. En une dizaine de vues ici, vous avez un aperçu de la lumineuse déambulation proposée par ce beau musée qui est l’un des joyaux de la Fondation nationale des musées du Maroc (présidée par un artiste qui a enseigné près de 30 ans les arts plastiques en France, Mehdi Qotbi).
« Nuit de Noël » (1963) du photographe malien Malick Sidibé :
« Le Ministre de la Défense » (2009) de Kudzanaï Chiurai, photographe qui a du quitter son pays (le Zimbabwe) :
« Natacha et la couronne » (2000) du photographe égyptien, Youssef Nabil :
L’Afrique, continent des possibles et des impossibles: c’est ce que raconte subtilement et artistiquement cette formidable exposition organisée par le musée Mohamed VI de Rabat (Maroc), jusqu’en janvier 2022, avec une exposition de photographes africains construite comme une déambulation pleine de sens :
Au rez-de-chaussée du musée, en guise d’introduction, le regard classique du maître de la photographie malienne, Malik Sidibé, nous rappelle l’Afrique encore en noir et blanc des années 60 (photos 2 et 3 ci-dessus). Puis, par le vaste escalier immaculé, on vous conduit, avec un effet de contraste, à découvrir des œuvres plus audacieuses voire subversives, comme celle d’un photographe du Zimbabwe en exil, qui parodie le gouvernement sans foi ni loi de son pays en une galerie de portraits provocateurs (photo 3 ci-dessus). Puis, viennent à notre regard surpris les cartes de géographie du continent, revisitées et transfigurées par une artiste malgache, qui place l’Afrique au centre du planisphère, lui donnant le visage d’une femme noire au profil somptueux (photo 6 ci-dessous).
Bouleversantes et paradoxalement colorées, les photographies de la salle voisine consacrées à la sécheresse, disent la misère de l’Afrique subsaharienne tout en captant la beauté de ces familles somaliennes, enfants souriants sur le perron d’abris de fortune construits sur des sols tragiquement secs (photo 7, ci-dessous).
Enfin, avant de repartir dans le grand hall du musée construit en 2014 et qui sent bon la modernité et l’énergie d’un Maroc confiant dans son avenir, un documentaire fait dialoguer de jeunes Français et Ghanéens par écrans interposés: les premiers découvrent que leurs ordinateurs, smartphones, appareils hors d’usage, ceux qu’ils abandonnent généralement gratuitement et sans états d’âme, finissent au Ghana, contrée d’Afrique où ils seront désossés, triés, récupérés, recyclés par des travailleurs de leur âge. Et cette jeunesse de deux continents se raconte, se découvre: à la question « es-tu heureux ? », la jeune Française ne sait pas bien répondre… Son interlocuteur ghanéen lui n’hésite pas: quand il a du travail et qu’il peut manger et aller à l’école, il est heureux dit-il spontanément, qu’importent la pollution, la dureté de cette décharge où l’on reçoit les objets cassés des pays riches: ici, on recycle, on redonne vie mais surtout on connaît le sens et la valeur des choses.
Antonia FERRANDI (28/10/21)