Lydia Guirous : « La République n’est pas la somme de communautés religieuses »

Nommée secrétaire nationale de l’UMP (puis Les Républicains) aux valeurs de la République et à la laïcité en janvier 2015, Lydia Guirous n’est pas nouvelle en politique. Ex secrétaire Nationale du Parti Radical (UDI) et ardente féministe, c’est par son livre « Allah est grand, la République aussi » (éditions J-C Lattès, octobre 2014) qu’elle se fait véritablement connaître. Un ouvrage publié avant les attentats qui ont frappé à Paris les 7 et 9  janvier 2015 mais qui se révèle alors être en plein dans l’actualité. Lydia Guirous y fait l’éloge de la République française et dénonce la montée du communautarisme musulman, fondé sur un « droit à la différence » qui, poussé loin, contrevient au principe d’Egalité chère à la République française. Cette jeune femme, qui a aussi connu le racisme à l’école, est une femme sans concession. Elle estime que l’école est « fondée sur une égalité de droits stricte et parfaite », que le port du voile est un « marqueur de la soumission des femmes aux hommes », elle pense que «le racisme anti-musulman n’existe pas» et surtout réfute le concept « d’islamophobie3. Au printemps 2015, la Revue Civique a voulu aller plus loin avec elle.

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La REVUE CIVIQUE : Dans votre livre, vous décrivez avoir vécu une véritable ségrégation de la part d’un professeur d’économie au lycée. Il plaçait les non européens d’un côté de la classe, et de l’autre côté, les autres… Noirs et Arabes, en somme. Cela n’a visiblement pas freiné votre détermination à  réussir comme tout le monde. Mais d’après vous, cela peut-il être un élément d’explication du repli de certains vers le communautarisme?
Lydia GUIROUS : Comme je le dis dans mon livre, l’école de la République donne les mêmes chances à tous ses enfants, que cela soit en termes d’enseignement et d’accompagnement. Certes, il peut exister du racisme au sein de certaines écoles, comme partout d’ailleurs, mais pour autant, cela ne signifie pas que l’ascenseur social soit cassé. En tout cas, il n’existe pas d’apartheid social et ethnique institutionnalisé en France. Penser cela est un mensonge. C’est dangereux d’affirmer de telles inepties car cela conforte certains enfants, notamment issus de l’immigration, dans l’idée qu’il y aurait un racisme d’État contre eux.

Au final, cela peut avoir comme conséquence de les radicaliser dans une forme de racisme anti-France dévastateur, et dans un communautarisme religieux anti-républicain.

« L’école publique n’est pas là

pour compenser toutes les inégalités de fait »

L’école publique est fondée sur une égalité de droits stricte et parfaite. Cela ne veut pas dire que l’apprentissage et le travail scolaire ne seront pas plus difficiles pour un enfant dont les parents ne parlent pas le français à la maison, bien sûr. Mais l’école publique n’est pas là pour compenser toutes les inégalités de fait du genre humain! Et puis il faut dire aussi aux grands gourous de la victimisation permanente, notamment dans les banlieues, qu’il n’est pas du devoir de l’école publique d’amener tous les enfants issus de l’immigration à devenir avocat ou médecin.

L’école est juste là pour offrir les « conditions de ». Le reste ne dépendra que de l’enfant et de ses parents. Là encore, on retrouve un grand classique qui se révèle pourtant toujours juste : il n’y a pas d’éducation des enfants sans éducation des parents. Et en ce qui concerne les enfants des quartiers populaires issus de l’immigration, je pense qu’il faut revenir à un mécanisme d’assimilation républicaine plus stricte pour leurs parents, notamment en vérifiant leur maîtrise de la langue française, quitte à imposer des cours obligatoires.

Malgré tout, comment donner envie de réussir aux jeunes issus de l’immigration, et ceux qui subiraient encore ce racisme dans notre système scolaire français ?
En leur disant que la victimisation permanente leur ouvrira directement la porte de l’assistanat et du pôle emploi. Du racisme, il y en a toujours eu, social, ethnique, religieux. Mais, depuis plus de 100 ans, des immigrés du monde entier ont réussi en France, tant sur le plan personnel que professionnel. Vous savez, il faut dire à tous ces jeunes qu’il n’était pas facile d’être un « rital » ou un « polack » en France, à une certaine époque. Ils ont serré les dents et surtout travaillé. Leur intégration à la République française est un exemple.

Le racisme est une excuse un peu trop facile pour accuser le système scolaire français et plus généralement la France. Je ne connais pas de pays plus généreux et plus tolérant que la France. D’ailleurs si des immigrés du monde entier sont venus en France et continuent d’y venir, ce n’est pas par hasard. Alors arrêtons de voir du racisme partout et surtout d’en faire une justification de l’échec scolaire et professionnel.

Quelle importance accordez-vous à la promotion des valeurs de la République ? Est-ce une solution pour ces jeunes français ?
Je crois que la question n’est pas de promouvoir les valeurs de la République mais tout simplement de les appliquer. La France n’est pas qu’une simple démocratie, c’est une République. Son histoire, sa place dans le monde, ses idées, sont le fruit de notre héritage républicain. Il faut le respecter et surtout le faire respecter.

« Notre culture commune s’appelle la République

et elle est unique »

Le livre de Lydia Guirous "Allah est grand, la République aussi", chez J-C Lattès

Si la France est depuis toujours un pays multiethnique, elle n’est pas un pays multiculturel. Notre culture commune s’appelle la République et elle est unique.

Il faut donc stopper les arrangements avec les valeurs de la République, notamment la laïcité. La République n’est pas la somme de communautés religieuses qui vivent les unes à côtés des autres, mais l’addition de citoyens libres et égaux en droits.  La République est donc, par exemple, un espace d’égalité entre les hommes et les femmes. Par conséquent,  il faut continuer d’interdire le voile dans les écoles et également dans les universités et les entreprises.

Car l’espace social public doit rester neutre et libre de toutes considérations dogmatiques. C’est le prix de l’égalité entre les hommes et les femmes mais également le prix de la liberté. Rappelons tout de même que le voile est le marqueur de la soumission des femmes aux hommes… est-ce tolérable au pays de Voltaire?

Vous avez été nommée secrétaire nationale aux valeurs de la République et de la laïcité à l’UMP. Selon vous, comment promouvoir la laïcité tout en la conciliant avec le principe de fraternité ?
Il n’y a rien d’antinomique ou de contradictoire. La fraternité passe par le respect de la laïcité, car la laïcité est un principe de tolérance et de respect des autres, notamment de leurs confessions. Or, pour que ce respect soit total et effectif, elle impose la neutralité de l’espace public. Autrement dit, ce qui relève du religieux doit rester dans la sphère privé et dans les lieux de cultes, afin de ne pas heurter la liberté et le respect d’autrui.

La laïcité est donc par essence fraternelle. Ce n’est pas être fraternel, que de laisser la société se morceler, se communautariser… Le retour vers des logiques claniques, religieuses ou autres, est tout sauf un progrès et encore moins une avancée fraternelle. Le  nouveau Moyen-âge dont rêve certains n’est pas fraternel.

Bien que vous admettez l’existence de racisme, vous réfutez particulièrement le racisme anti-musulman, et surtout le terme d’islamophobie. Considérant comme vous le dites dans votre livre que  la juxtaposition d’ « islam » et de « phobie » est une manière de mettre fin à tout débat.  Pourquoi un tel rejet?
L’islamophobie n’existe pas en France. Certes, il y a du racisme, comme partout d’ailleurs. Ce racisme peut être un racisme anti-arabe ou anti-africain, mais en aucun cas anti-musulman.

L’islamophobie est « le cheval de Troie des salafistes » (ndlr, expression utilisée par Manuel Valls) et plus largement des islamistes radicaux, qui rêvent de voir la République s’éclater en communautés. En effet, l’islamophobie déplace la question du racisme sur le champ du religieux. De fait, cela permet de réintroduire à haute dose le fait religieux dans le débat public et de saper progressivement les bases laïques de la République.

Ce concept est très pervers car sous-couvert de victimisation religieuse, il met du religieux partout au sein de la République. D’ailleurs, depuis les attentats, n’avez-vous pas remarqué que l’on voit des imams partout à la télévision et très peu de républicains laïcs ?

« L’islamophobie a pour objectif

de minorer l’antisémitisme »

En relayant abondamment le concept d’islamophobie, les médias et les décideurs portent une lourde responsabilité et surtout tombent dans le piège de certains leaders musulmans. Le rêve ultime de ces gens qui crient à l’islamophobie est de mettre en place une France communautarisée dont les élections marcheraient à la proportionnelle, en fonction du poids de chaque communauté.

Enfin, l’islamophobie a pour objectif de minorer l’antisémitisme dans la sphère publique. Certains imams radicaux actuellement en France et dans le monde sont foncièrement anti-juifs. Tout ce qui peut saper le poids supposé de la communauté juive dans la sphère publique doit être combattu selon eux. L’islamophobie est l’une de ces armes. Tout ce qui peut nier l’antisémitisme en France et dans le monde doit être mis en œuvre. On remarque d’ailleurs que l’étendard de l’islamophobie a tout de suite été brandi après les attentats, alors que les victimes de l’hyper-casher étaient juives et ont été tuées parce qu’elles étaient juives. Ne l’oublions pas.

L’islamophobie n’est pas qu’un simple mot de sociologue en manque de sensations, c’est une arme politique qui a pour objectif de détruire l’unité de la République et de mettre en place une société communautarisée. J’y suis donc totalement opposée.

Toujours dans votre livre, vous décrivez le parcours de Linda, une jeune femme qui a repris le contrôle de sa vie après avoir sombré dans le radicalisme religieux suite à une mauvaise rencontre. Ne pensez-vous pas, étant donné l’importance incontestable de l’école dans l’éducation, qu’enseigner le fait religieux  en son sein –  et c’est l’ une des mesures clés annoncée le 22 janvier par la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem – pourrait faire du vivre-ensemble et de la fraternité des valeurs concrètes ?
L’école est sans doute le premier axe de travail sur les valeurs de la République et le vivre ensemble, car elle est la mère de toutes les institutions, le creuset de la conscience citoyenne. Quand on respecte l’école jeune, il y a fort à parier que l’on respectera plus tard les autres institutions, notamment la police.

Mais ce n’est pas d’enseignement du fait religieux dont a besoin à l’école mais d’instruction civique et de morale républicaine. Au lieu de saupoudrer une heure hebdomadaire de morale laïque dans les écoles comme l’a annoncé Najat Vallaud-Belkacem, le gouvernement pourrait se servir des plages horaires libérées par la réforme des rythmes scolaires pour enseigner à haute dose les valeurs de la République, l’instruction civique.

Le temps libre des enfants ne doit pas servir à faire uniquement de la pâte à modeler, mais peut servir aussi à former la conscience des futurs citoyens. Pour assurer les formations, on peut faire appel à la réserve militaire (gendarmerie notamment) et à la réserve de la police nationale. Cela permettra d’accoutumer les plus jeunes à l’autorité de l’État.

La religion n’a pas sa place dans les écoles de la République. C’est même un non-sens et une incongruité au regard de ce qu’est la laïcité depuis 1905.

Propos recueillis (printemps 2015) par Emilie GOUGACHE

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