Tribune de Marc KNOBEL, directeur des Etudes du Crif, auteur de livres et de chroniques, membre du conseil éditiorial de la Revue Civique.
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Joué-lès-Tours, samedi 20 décembre 2014, un homme d’une vingtaine d’années agresse des policiers avec un couteau en criant « Allah Akbar », dans un commissariat avant d’être lui-même abattu. Un automobiliste, déséquilibré, blesse «délibérément» onze passants en plusieurs endroits de la ville, dimanche 21 décembre 2014 à Dijon au cri d’«Allahou Akbar» («Dieu est le plus grand» en arabe). La scène dure près d’une demi-heure. Neuf personnes sont légèrement blessées et deux autres sérieusement, mais leur pronostic vital ne semble pas engagé, selon une source policière. Selon les témoignages recueillis par la police, l’homme, vêtu d’une djellaba, «a crié « Allahou Akbar » et a dit avoir agi «pour les enfants de Palestine». «L’homme, né en 1974, présente le profil d’un déséquilibré et serait suivi en hôpital psychiatrique» mais ses revendications «semblent encore floues», déclare une source proche de l’enquête. On retiendra que dans ce type de cas, les assassins et les terroristes sont psychologiquement fragiles. Et l’enquête permettra de comprendre, d’expliquer et/ou de dire ce qu’auraient été ou ont été les motivations de ces hommes. Quelles puissent être les résultats de l’enquête nous relevons déjà les points suivants :
1) Dans le mode opératoire de Dijon, nous voyons une similitude avec les attentats à la voiture piégée qui ont été commis à Jérusalem, ces dernières semaines. A Jérusalem, justement, on assiste à une nouvelle vague d’attentats et d’un nouveau genre, des attaques à la voiture bélier, qui inquiètent les Israéliens. En octobre 2014, deux personnes sont tuées, dont un bébé, par une attaque à la voiture bélier au tramway de Jérusalem, à la station de la Colline des munitions dans le nord de la ville. L’attaque blesse gravement une jeune femme de 20 ans. Le 6 novembre, un Palestinien fauche avec sa voiture un groupe de piétons à la limite entre Jérusalem ouest et la partie orientale, tuant un garde-frontière d’origine druze et blessant quatorze personnes dans la seconde attaque du genre en quinze jours…
2) Nous nous souvenons également d’autres similitudes opérationnelles. Rappelons que le dénommé Martin Couture-Rouleau, a foncé délibérément sur deux militaires, près de Montréal (octobre 2014), avant d’être abattu par la police au terme d’une poursuite en voiture. L’enquête qui a suivi révèle qu’il s’agit d’un acte de terrorisme lié à l’islam radical. Connu de la Gendarmerie royale canadienne, Martin Couture-Rouleau, 25 ans, dit « Ahmad le converti », avait adopté l’islam il y a environ un an. Les autorités fédérales lui avaient même retiré son passeport pour l’empêcher de quitter le pays pour aller joindre des groupes radicaux à l’étranger.
3) Que dire également de l’attentat qui a été perpétré à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) ? Nous remarquons là encore des similitudes avec une autre affaire. En mai 2013, un soldat britannique est massacré à la machette et au hachoir par deux hommes, en pleine rue, sous les yeux de douzaines de témoins horrifiés, à Woolwich, dans le sud-est de Londres. Les deux terroristes tiennent des propos fondamentalistes islamistes avant d’être blessés par la police, et arrêtés. Sur un film amateur, l’un des assaillants habillé d’un jean, d’un blouson et coiffé d’un bonnet, une feuille de boucher ensanglantée à la main, déclare : «Nous jurons par Allah tout puissant que nous n’arrêterons jamais de vous combattre. Les seules raisons pour lesquelles nous avons fait ceci, c’est parce que des Musulmans meurent chaque jour. Ce soldat britannique, c’est œil pour œil, dent pour dent. Nous nous excusons que des femmes aient vu ceci aujourd’hui mais dans nos pays nos femmes sont obligées de voir la même chose. Vous, peuple, ne serez jamais à l’abri. Changez vos gouvernants. Ils ne prennent pas soin de vous.»
4) C’est ainsi que probablement et comme dans d’autres affaires, la surmédiatisation d’un acte terroriste favorise probablement le passage à l’acte, d’autres méfaits et crimes suivent automatiquement. Sans trop se tromper, nous pouvons parler en la matière de mimétisme : lorsqu’un attentat a lieu, d’autres sont perpétrés le lendemain ou les jours prochains.
5) A ce titre, s’en suit une sorte de surenchère pour la course au 1/4 h ou à l’heure de gloire terroriste et barbare. Celui qui fera le « mieux » -si l’on peut parler en ces termes- sera celui qui sèmera le plus la terreur.
6) Nous remarquons également que les appels incessants de Daech et/ou d’Al Qaeda à commettre des attentats en France et en Europe, influencent ou peuvent influencer d’un côté des fous qui deviendront des criminels, de l’autre des gens qui agissent sciemment et deviendront aussi des criminels. Cette propagande incessante a un impact sur les esprits faibles. Nous pensons par exemple à cette quatrième vidéo de l’Etat islamique depuis le début de l’intervention française en Irak. Postée sur Youtube vendredi 19 décembre 2014, on y voit un « combattant » de Daech, en Syrie ou en Irak, y exhortait les Musulmans français « à réduire la France en miettes » et à prêter allégeance au Calife autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi. Le terroriste justifie les attaques par l’interdiction du niqab en France et enjoint ses « frères » à imiter les actions de Mohamed Merah.
7) Développons. Certains d’entre eux ont un profil psychiatrique lourd et/ ou très lourd. Ils cherchent alors un prétexte et dans un probable excès de folie, ils crieront alors «Allahou Akbar». Justement, il semble que l’homme, un Français d’une quarantaine d’années, qui a blessé «délibérément» onze passants en plusieurs endroits de Dijon, aurait de lourds problèmes psychiatriques. Plus précisément, le chauffard, né à Strasbourg, a fait 157 passages en milieu psychiatriques entre 2001 et 2014. « Voiture folle », « déséquilibré mental »… Certains répondront qu’il s’agit d’un vocabulaire médiatique et/ou d’une sémantique journalistique (ou politique) pour cacher la vérité et ne pas faire peur à l’opinion publique. Ils oublient ou feignent d’ignorer que l’on peut être fou et crier « Allahou Akbar »…
8) D’autres terroristes (la majorité) agissent sciemment, sachant parfaitement ce qu’ils font et pourquoi ils le font. Les crimes qu’ils commentent ont été pensés et sont perpétrés au nom d’une idéologie criminelle : le djihadisme. Ils sont convaincus de la justesse de leur acte et leur timbre de voix ne laisse rien paraître : aucune émotion, aucun regret, aucune peur, si ce n’est la seule certitude d’avoir accompli une « mission » : exécuter et tuer méthodiquement n’importe quelle cible tant qu’ils tuent et sèment la terreur.
9) En ce sens, que nous soyons en présence des premiers et/ou des seconds, nous nous trouvons devant un fanatisme, celui de l’islamisme, devenu une hydre folle qui menace nos sociétés.
10) Enfin, nous remarquons que dans certains cas, des terroristes (qu’ils soient fou ou non) ajoutent un prétexte supplémentaire pour justifier leur crime, ils prétendent alors vouloir venger… les enfants de Palestine.
Un précédent : Mohamed Merah et « les innocents de Palestine »
Souvenez-vous. Le 8 juillet 2012, vers 18 h 30, le présentateur de l’émission Sept à huit, sur TF1, annonce que vont être diffuses à l’antenne les enregistrements de Mohammed Merah, pris juste avant sa mort, alors que le Raid assiège son appartement. C’est la première fois que l’on entend la voix du terroriste, une voix calme, assurée, déterminée. La stupéfaction le dispute à l’horreur et à la colère face à l’irresponsabilité de la chaine. Aussitôt, le parquet de Paris lance une enquête préliminaire pour violation du secret de l’instruction. « A ce rythme, ce sont les vidéos des tueries qui se retrouveront sur la Toile et l’atteinte sera alors irrémédiable », s’indigne une avocate des familles, Me Samia Maktouf.
Sur l’enregistrement, le timbre de voix ne laisse rien paraître. Merah dit être un agent d’Al-Qaida. Il affirme avoir été partout pour brouiller les pistes. Mais, ce n’est qu’au Pakistan qu’il a pu entrer en contact avec les terroristes. Là, après une formation, on lui aurait proposé de commettre des attentats en utilisant des bombes. Mais en France, poursuit-il, il est difficile de se procurer certains produits. Merah demande alors aux terroristes un entrainement spécifique pour tirer au pistolet. Pour apprendre à tuer méthodiquement.
De retour en France, Merah continue de brouiller les pistes, égarant les agents du renseignement charges de le surveiller. Puis, il passe à l’action. Il frappe, il assassine méthodiquement, froidement, des militaires. Le hasard, explique-t-il aux hommes du Raid, l’empêche d’atteindre sa prochaine cible. S’il avait pu, il aurait aimé s’attaquer à la synagogue de Bagatelle. Alors, il se rabat sur une école juive : « J’ai repris le scooter et je suis passé comme ça, ce n’était pas prémédité, enfin si, je comptais le faire, t’as vu, mais le matin en me réveillant, ce n’était pas mon objectif. » « Au début les frères [les djihadistes pakistanais] m’ont dit de tuer tout, tout ce qui est civil et mécréant, tout : les gays, les homosexuels, ceux qui s’embrassent publiquement […]. Mais moi, j’avais un message à faire passer […] J’ai tué des enfants juifs parce que mes petits frères, mes petites sœurs musulmanes se font tuer. Donc moi, je savais qu’en tuant que des militaires, des Juifs, le message passerait mieux. Parce que si j’avais tué des civils, la population française aurait dit que, euh voilà, c’est un fou d’Al Qaeda, c’est juste un terroriste, il tue des civils. Même si j’ai le droit, mais le message est diffèrent […]. Je tue des Juifs en France parce que ces mêmes Juifs-la… euh tuent des innocents en Palestine. » Il était, dit-il, prêt à commettre de nouveaux carnages. Mais il savait qu’un jour « ça allait être vraiment chaud pour [lui], qu’il y allait avoir des barrages, tout ça » : « J’aurais tout fait au culot, je serais entré dans les commissariats, j’aurais abattu le policier qui est à l’accueil, j’aurais abattu des gens dans la rue, des gendarmes qui circulent en voiture, aux feux rouges, j’aurais mis des guets-apens. » L’islamiste veut en finir les armes à la main. Il ne se rendra pas. Il est fatigué, cela se sait par le timbre de sa voix. Mais il a gagné du temps en parlant pendant des heures avec les hommes qui se relaient derrière la porte. Il veut seulement récupérer, parce qu’il est fatigué.
Finalement, cet homme qui se gomine les cheveux et fait très attention à son apparence est un monstre qui fait froid dans le dos. Et, que nous sert là Mohamed Merah, sinon le pervers mythe du meurtre rituel qui fait tache dans l’histoire de l’Humanité, comme le décrit si souvent le philosophe Pierre-André Taguieff ? Que nous déverse là Mohamed Merah, sinon l’horrible stéréotype du Juif sanguinaire : Israéliens ou Juifs = Assassins d’enfants ? Finalement, les djihadistes transformeraient le monde en un champ de ruines s’ils le pouvaient et chaque islamiste contribue un peu plus à diaboliser l’Islam, religion du Livre qui doit être pleinement et totalement respectée. Pis, chaque islamiste ne fait qu’empoisonner le cœur de chaque musulman ou non musulman, il l’étrangle et l’étouffe.
Marc KNOBEL