Refondation civique

Refondation Civique

Jérôme Cahuzac a rendu service à la République : le choc que ses paroles (mensongères) et ses actes (frauduleux) ont provoqué, le risque d’amalgames qui en a résulté aussi, ont permis de rétablir le chantier de la « moralisation de la vie politique » comme une priorité. Pour rétablir une confiance envers « les politiques », depuis longtemps perdue mais encore aggravée cette année (cf. le baromètre du CEVIPOF, OpinionWay avec le CESE, ou le baromètre Viavoice de la « marque France » pour l’agence W), ce chantier est immense. La barre de la réforme doit donc être mise haut.

Oui, la transparence doit devenir la norme en notre démocratie, dont l’opacité est source de trop forts soupçons. Oui, le cumul des mandats doit être limité comme le train de vie de l’État et des collectivités locales. Mais il faut, au-delà des effets d’annonce, aller au bout de la logique.

Et dire aussi que la démocratie a un coût. Ce n’est pas dans l’ère du temps populiste de le proclamer mais, au-delà de la transparence, il faut des moyens pour le contrôle. Il faudra en effet prévoir des structures et des dizaines de personnes qui auront la charge de contrôler les milliers d’élus, qui rendront public leurs biens et revenus. quant au cumul des mandats, si l’interdiction devient totale, ne risque-t-elle pas de couper plus encore les politiques des réalités que tout élu local est obligé de saisir ? Et au-delà du cumul, n’est-il pas temps de supprimer des strates de pouvoirs et de fusionner départements et régions pour n’avoir qu’un étage entre l’État (à réduire) et les communes (à regrouper) ?

Le temps du courage n’est-il pas venu aussi pour définir un statut de l’élu, qui énonce clairement ses obligations mais aussi ses droits, en lui permettant, surtout s’il y a restriction du cumul des mandats et des activités, d’être protégé dans la durée ? Ce qui serait le meilleur moyen d’éviter le développement d’activités susceptibles pour l’élu, au mieux de provoquer une dispersion d’énergie, au pire de le voir lié à des groupes d’intérêts, sources de corruption.

Pour voir plus loin aussi, et remédier à la fracture civique qui s’aggrave, il faut se tourner vers les citoyens, leur permettre par des consultations de se mesurer à l’esprit de responsabilité et les associer aux processus de décision. La Revue Civique a été fondée aussi sur cette idée que la participation des citoyens doit progresser en France, où la verticalité du pouvoir, monarchico-jacobin, a tant pesé.

Des pratiques participatives sont expérimentées, par de jeunes structures associatives (que nous évoquons aussi dans ce numéro). Elles sont un moyen, pour notre démocratie représentative, de se ressourcer. Nous y reviendrons. Elles sont aussi un bon moyen, pour les Français, de mesurer plus encore la complexité des choix politiques, de sortir du penchant gaulois protestataire, aussi stérile que démesuré, qui fait le lit du populisme et de l’extrémisme. Sortir de l’Europe et de la mondialisation ? Ça attire du monde autour des tribunes de Mélenchon et Le Pen, ça permet de récupérer les déçus des partis de gouvernement qui ont dirigé la France depuis 30 ans. Mais ça ne fera ni une politique, encore moins un avenir.

La morale républicaine est à l’ordre du jour des programmes de l’Éducation nationale, a annoncé le ministre. C’est très bien. Nous approuvons d’autant plus que la Revue Civique n’a pas manqué, dans son numéro d’automne 2012, de souligner les dysfonctionnements du « Mammouth », trop éloigné des réalités, de la nécessité d’établir des passerelles pour l’emploi des jeunes.

Le mot « morale » est-il le bon ? La « morale », comme les « valeurs », ça se discute. En revanche, les « règles » et les « principes » de la République sont arrêtés, précis et peuvent inspirer une grande pédagogie. Notre édifice républicain est charpenté autour d’une histoire et de grands principes : ce socle doit être une référence vivante, aujourd’hui. Pour les élèves. Pour tous les adultes aussi : élus et citoyens réunis

Jean-Philippe MOINET
Fondateur de la Revue Civique
(Avril 2013, in La Revue Civique n°11, Printemps-Été 2013)
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