Le Général Trinquand, qui a eu des responsabilités éminentes auprès de l’OTAN, de l’Union européenne et de l’ONU, est un fin analyste des enjeux stratégiques et militaires. Il répond ici à trois questions express de Jean-Philippe Moinet pour la Revue Civique sur la situation au Proche-Orient, la faiblesse des « proxys » iraniens et ses possibles conséquences.
-La Revue Civique: le net affaiblissement au Liban du Hezbollah, de son commandement et de ses combattants armés, a quelles conséquences selon vous ? Est-ce que le récent accord de cessez-le-feu, avec la clause renvoyant à la résolution 1701 de l’ONU (de 2006) excluant la présence du Hezbollah au sud du fleuve libanais Litani, peut tenir dans la durée, compte tenu du rapport de force militaire actuel et de la garantie américaine et française ?
-Le Général TRINQUAND: Tout dépend du degré d’affaiblissement du Hezbollah et de ceux qui remplaceront la génération qui a été éliminée par l’attaque des bipers. Il est à espérer que le Liban en profitera pour retrouver une plus grande souveraineté, distancée du Hezbollah et de l’Iran, pour trouver une capacité autonome de traiter avec Israël. Pour l’instant, tout dépend de la capacité de l’armée libanaise de faire appliquer le retrait au nord du Litani. Elle a besoin du soutien américain et français.
« Il semble que la Russie a des difficultés à intervenir sur plusieurs fronts. Ses capacités aériennes ont diminué en Syrie »
-Des troubles ont récemment eu lieu en Syrie, à Alep et sa région, montrant la difficulté du régime de Bachar El Assad et de ses alliés russes et iraniens à contenir une opposition armée sur le territoire syrien. Est-ce à dire que la Russie, allié historique de la Syrie, est désormais en incapacité, du fait de sa guerre contre l’Ukraine, d’intervenir efficacement en Syrie ?
-Le Général TRINQUAND : Il me semble que la Russie a effectivement des difficultés à intervenir sur plusieurs fronts. Ses capacités aériennes ont diminué en Syrie au profit de l’Ukraine. La réaction de l’armée syrienne montre sa dépendance vis à vis de la Russie et de l’Iran qui, toutes deux, n’ont plus les moyens de renforcer leur dispositif.
« Le régime iranien tremble »
-Ces dernières années, l’Iran se servait de ses trois « proxys » armés – le Hezbollah au Liban, le Hamas à Gaza, les Houtis au Yémen – pour attaquer Israël. Est-ce que cette stratégie a été payante pour l’Iran ou ne risque-t-elle pas, au contraire, de s’avérer perdante, en mettant en difficulté l’influence iranienne au Proche-Orient, voir en rendant à terme le régime des Mollahs vulnérable ?
-Le Général TRINQUAND: Les coups très durs portés au Hamas, au Hezbollah, par Israël, aux Houtis par les Etats-Unis et maintenant en Syrie marquent la limites des actions par proxi. L’Iran est aussi attaqué directement et le régime tremble. Le fait que le régime syrien se tourne vers la Russie montre que l’Iran n’est plus fiable pour ces proxis. L’Iran est le cœur de la menace. C’est lui qui doit être ciblé.
Propos recueillis par Jean-Philippe MOINET (30/11/2024)
Biographie du Général Trinquand : Diplômé de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, de l’école supérieure de guerre et du Royal College of defense studies de Londres, le Général Trinquand est un spécialiste des relations internationales. En opérations, il commande un bataillon au Liban (1991-92) et, durant la crise d’ex-Yougoslavie (1993-95), il est appelé à conseiller deux commandants des forces onusiennes. A partir de 1998, il occupe plusieurs postes à responsabilité au sein de l’OTAN, de l’UE et de l’ONU. En 2010, il rejoint Marck&Balsan en tant que Directeur des relations extérieures. En 2013, il met en place un groupement d’entreprises pour l’équipement de contingents déployés en opérations de maintien de la paix (OMP solutions). Le général Trinquand intervient régulièrement comme expert pour divers médias. Il a notamment publié, en 2023, le livre « Ce qui nous attend » (Robert Laffont), avec pour sous-titre: « L’effet papillon des conflits mondiaux ».