Rémi Lavenant est un phénomène local, il n’a pas terminé des études de Sciences Po mais il s’est engagé sans compter à la tête d’une liste aux élections municipales à Lardy (Essonne), à contre-courant d’un mouvement de désintérêt des jeunes pour la politique et de renoncement pour beaucoup d’élus locaux sortants. Il nous explique ici les raisons de ce choix singulier et méritoire, son goût pour l’engagement local, sa volonté de « renouveler le paysage politique local en termes de visages et de pratiques ». « Il faut unir les compétences de façon trans-partisane et intergénérationnel » indique-t-il à La Revue Civique. Il ajoute: « La jeunesse est une « saison de notre vie » qui nous laisse davantage d’énergie. C’est une chance pour insuffler un nouvel espoir dans notre commune. Rafraîchissant.
-La Revue Civique : à l’heure où beaucoup de maires sortants, découragés, ont « jeté l’éponge » en renonçant à se présenter aux municipales, vous, vous avez décidé de vous engager et, à 21 ans, vous paraissait aussi à contre-courant de votre génération, qui s’éloigne de la politique. Pourquoi vous engagez-vous dans cette bataille, certains diraient dans cette galère de la politique locale ? Quel sens cela peut avoir pour un jeune aujourd’hui ?
-Rémi LAVENANT: Dans ma famille, on m’a toujours appris que l’engagement était noble et surtout essentiel. Je porte cette conviction intime que la République est avant toute chose, l’affaire de l’ensemble des citoyens à qui elle garantit les libertés individuelles mais qui leur imposent également des devoirs, celui de contribuer au bien commun à la hauteur de leur possibilité.
Beaucoup de nos élus sont découragés principalement dans les communes très rurales en raison de la « loi Notre » et des difficultés de plus en plus importantes à projeter leurs politiques publiques dans un espace de plus en plus contraint juridiquement et financièrement.
Il y a nécessité de renouveler, en termes de visages et de pratiques. Il faut unir les compétences de façon trans-partisane et intergénérationnel. »
Beaucoup d’autres élus ont accepté une forme de consanguinité sociale et politique depuis des décennies empêchant à notre démocratie de pouvoir respirer. Les femmes, les jeunes et les professions du privé pouvaient plus difficilement accéder aux responsabilités même locales. Tandis que le maintien des clivages anciens, générationnels, gauche-droite aussi, étouffaient les bonnes initiatives et le rassemblement des gens de bonne volonté.
Ma conviction se fonde au contraire sur la nécessité absolue de renouveler le paysage politique local en termes de visages et de pratiques. Il faut unir les compétences de façon trans-partisane et intergénérationnel. Cette bataille fonde mon engagement.
Par ailleurs, en tant que jeune et habitant de ma commune depuis toujours, ce combat municipal prend tout son sens vis-à-vis de l’attachement inconditionnel que je porte à mon territoire et à mes concitoyens. A travers mes activités associatives et mes engagements passés et présents, j’ai pu côtoyer des centaines d’habitants… Des personnes vivant dans une précarité absolue à des petites mamies profondément isolées chez elles qui nous racontaient les histoires d’antan, aux parents engagées qui espèrent améliorer le quotidien de notre petite ville en passant par les agents municipaux, qui font pour beaucoup un travail formidable et désintéressé au service du public. C’est pour tous ces gens, leur simplicité, leurs sourires, leur courage que j’ai envie de me battre.
Pour tous ces gens qui n’ont pas perdu espoir dans un avenir plus désirable sur nos territoires et qui ont placé leur confiance en moi, je ne pouvais pas me dérober. Le sentiment qui m’anime le plus à ce sujet, c’est le devoir et les obligations que j’ai pris envers eux.
Enfin, le défi que cela représente est énorme. J’ai toujours aimé mon village comme je l’ai déjà dit. La diminution des dotations, l’accroissement des contraintes du cadre juridique, la réduction des compétences du maire et les défis liés à la modernité (politique de l’habitat, mobilités, reconstruction du lien social, développement économique dans nos territoires périurbains), impose une transformation en profondeur de notre façon de penser l’échelon communal.
C’est aussi par amour du défi, et parce qu’en tant que jeune j’ai envie de porter des idées nouvelles, que j’ai porté ma candidature ».
Il faut être profondément innovant, s’appuyer sur des partenariats publics – privés, encourager les initiatives locales, transformer le service public pour retrouver de la proximité et l’associer à plus de flexibilité et d’adaptabilité pour répondre aux nouveaux besoins. C’est un challenge considérable. D’autant que d’immenses chantiers nous attendent et que le rôle du maire, consistant à protéger sa population et à garantir le bien commun, n’a jamais été aussi central avec le renforcement des problématiques de sécurité dans nos villages et la transition écologique qu’il faut mener d’urgence pour faire de nos territoires, des lieux exemplaires et novateurs dans ce domaine. C’est donc aussi par amour du défi et parce qu’en tant que jeune, j’ai envie de porter des idées nouvelles et explorer des chemins inconnus encore aujourd’hui, que j’ai présenté une candidature aux prochaines municipales.
Enfin, le renouvellement démocratique locale implique d’avoir des esprits jeunes pour repenser nos pratiques et réconcilier nos citoyens avec la vie politique locale en fondant notre action sur une démarche participative et délibérative au quotidien avec nos concitoyens.
-Mais comment comptez-vous faire pour convaincre que le jeune âge, et une expérience forcément limitée par rapports à vos aînés, peuvent être quand même un atout pour une telle démarche politique et non un obstacle insurmontable ?
-C’est certain, j’achève mes études supérieures. Je n’ai travaillé qu’une année et demie en tant qu’associé dans une entreprise et commercial dans une autre, je ne prétends donc absolument pas avoir l’expérience de vie de mes aînés. Mais suis-je pour autant moins compétent ? Je ne le crois pas.
Tout d’abord, ma formation de plusieurs années à SciencesPo Paris m’ont apporté de solides connaissances du droit public, de nos institutions, du management et de la gestion de projets. Ces connaissances n’étaient pas forcément en possession de celles et ceux qui ont été élus avant moins, et ce, bien qu’ils aient été plus âgés au moment de leur élection.
D’autre part, la population connaît ma sincérité dans l’engagement qui est le mien depuis des années sur la commune au sein des commissions extra-municipales et des associations de Lardy. Je suis un travailleur acharné qui dort peu. J’ai étudié des mois durant les finances locales, analysé en profondeur notre plan local d’urbanisme et les documents contingents, participé dans le public aux conseils municipaux et j’ai rencontré les acteurs essentiels pour appréhender la vie locale : les entrepreneurs, les responsables associatifs, les présidents de syndicats intercommunaux. Je me suis préparé depuis près de deux ans à assumer les responsabilités de maire.
Je me suis entouré de personnes d’expérience, et suis allé à la rencontre des habitants pendant un an ».
Cependant, et conscient de la fragilité de ma position, bien que mon nom et mon engagement étaient connus à Lardy, j’ai fait trois choix qui ont conditionné ma candidature :
Tout d’abord, j’ai commencé la préparation de cette campagne municipale très tôt (près de 2 ans et demi avant la fin du mandat) afin de m’entourer de personnes d’expérience et de prendre le temps d’appréhender les problématiques de ma commune. Aujourd’hui, je compte dans mon équipe, à mes côtés, des anciens adjoints au maire, des élus actuels déçus de la politique de la maire sortante. J’ai également le soutien d’anciens maires de Lardy qui croient, eux qui ont eu à administrer la commune, en la crédibilité de ma candidature et de la démarche que je poursuis. Je me suis également entouré de techniciens
Ensuite, j’ai été à la rencontre des habitants pendant près d’un an, visitant plus de 1 000 familles en porte-à-porte notamment. Ces rencontres et ces échanges directs permettaient d’effacer les inquiétudes liées à la jeunesse et au manque de technicité supposée sur les dossiers.
Notre équipe est allée se former auprès d’organismes reconnus sur les finances locales, les pouvoirs de police, la démocratie participative ou encore l’urbanisme pour être à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Pour toutes ces raisons, je pense pouvoir rassurer sur la crédibilité de notre candidature.
Enfin, sur la question de la jeunesse, je ne crois pas qu’elle puisse être un obstacle. Les anciens de notre petite ville, que beaucoup dépeindraient à tort comme conservateurs, sont par exemple les premiers à demander de « virer les vieux » pour reprendre leurs mots et de « laisser la place à la jeunesse et à l’avenir ». La jeunesse est aussi un potentiel à exploiter pour renouveler les idées, triompher des immobilismes et des conservatismes ancrés dans le quotidien. La jeunesse est une « saison de notre vie » qui nous laisse davantage d’énergie pour mener les grands chantiers que j’ai pu évoquer précédemment. C’est donc une chance pour insuffler un nouvel espoir dans notre commune.
(mars 2020)