Volatilité

-VOLATILITÉ : le mot rejaillit au gré des études électorales, déroutées par le grand flottement de l’opinion. Nous sommes en fait, depuis des années, dans l’ère de la volatilité électorale, qui prend une tournure encore plus insaisissable avec cette présidentielle.

-LA DISTANCIATION critique, ou désabusée, vis-à-vis des candidats n’est que le reflet d’une «fracture civique» que nous n’avons de cesse de traiter et soumettre au débat dans la Revue Civique, une fracture qui sépare trop les citoyens des responsables politiques.

-LA CRISE ET LE TWEET. L’élection présidentielle, singularité française qui porte une désuète sublimation de la monarchie républicaine, faisait habituellement exception à la règle du désenchantement démocratique et du risque abstentionniste. La crise financière, qui nous met (ou devrait nous mettre) face à nos responsabilités budgétaires collectives, est passée par là.

-ET FACE à «la réalité du réalisme», l’opinion balance, flotte, sans vraiment sembler croire à un quelconque homme providentiel. Aux marges (devenues importantes) de l’opinion, il y a les nouvelles tentations démagogiques, les paroles « purement » idéologiques, les postures allègrement outrancières, une nostalgie aussi d’une parole politique à elle seule fondatrice d’un grand dessein collectif. C’est le syndrome réitéré de la révolution, révolution sociale à la gauche de la gauche, révolution nationale, à la droite de la droite.

-ET AILLEURS, dans le vaste « Marais » des citoyens modérés, peu enclins à tomber dans l’illusion politique ou les surenchères verbales,  il y a aussi un profond sentiment de scepticisme sur la vérité de la parole politique. Un sentiment qui risque d’aggraver la « fatigue psychologique » des Français, telle qu’elle avait été justement analysée déjà, il y a  trois ans, par le Médiateur de la République.

-POUR SERVIR LE TOUT, il y a le déroulé déconcertant d’une campagne, où le tweet semble l’emporter sur le raisonnement construit, où les propositions sont d’autant plus reprises qu’elles sont de «dernière minute» et où ce qui remonte à plus de trois mois est considéré comme de la préhistoire… C’est la parole (en boucle quelques heures), et non les actes (mis en perspective dans la durée), qui semblent prévaloir en politique (et dans les médias).

-CETTE TERRIBLE tendance à accompagner – ou à faire – l’actualité du moment, en images de préférence et en petites phrases choc, pousse donc les politiques dans la seule logique de captation de l’instant, par l’exploitation de l’émotion, l’usage de l’outrance verbale ou de l’agressivité personnelle. Alors que la noble mission des politiques devrait être, à l’inverse, d’amener à transcender le présent, à dépasser les émotions collectives passagères et à éviter les basses polémiques pour, avant tout, donner du sens au temps collectif de la nation en faisant partager un projet global et cohérent.

-LES EFFETS de la profonde  crise de mutation que nous traversons en Europe, ajoutée à l’emprise des séquences d’informations sans lendemain et des logiques de communication fondées sur l’hyper «court-termisme», amènent donc, assez naturellement, une grande partie de l’électorat à se désintéresser d’une campagne devenue à la fois surréaliste et hachurée. Tout en recherchant quand même, car il le faut bien, le moins mauvais des candidats. ..

-CETTE ATMOSPHERE va déboucher sur quel résultat ? Au-delà du nom du prochain Président, sur quelle relation citoyen-pouvoir ? Ne peut-on pas craindre des lendemains électoraux qui déchanteront encore plus, avec une crise de confiance plus accentuée encore, une crise morale et civique du pays risquant de s’ajouter à la crise économique et sociale ? Cet enchaînement de crises n’est bien sûr pas à espérer. Notre pays a du ressort, la société civile des ressources, les citoyens leur propre vie et projets. Mais il faut prendre garde. Et simplement observer qu’une telle campagne électorale, avec ses «séquences», n’a pas pu pour le moment permettre de faire débat sur les sujets essentiels, ni de renforcer la cohésion du pays – qui en a pourtant grand besoin – ni de restaurer une chose qui devrait être précieuse et prioritaire en démocratie : la croyance des citoyens en la parole politique.

 

Jean-Philippe MOINET, fondateur et directeur de LA REVUE CIVIQUE
(le 7 avril 2012)

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