Opération « Mon journal offert »: action réussie!

« Ne dites pas à mère que je lis le journal, elle me croit sur Facebook ! » Le directeur du SPQR (syndicat de la presse quotidienne régionale), Vincent de Bernardi, contre toutes les idées reçues sur les attentes du public jeune, évoque le succès de la campagne d’abonnement gratuit auprès des 18-24 ans. Une «saison 2» de «Mon journal offert» a donc été lancée.

Tous les jeunes ne passent pas leur temps sur le Web ou l’oreille collé à leur téléphone mobile.  Entre temps, ils lisent le journal pour s’informer. Les éditeurs de la presse quotidienne française, et plus généralement européenne les y incitent. Car, au delà de la conquête de nouveaux lecteurs, ils estiment que lire un journal régulièrement est un premier pas vers la citoyenneté.
Permettre à chacun de s’informer, de se forger des opinions, d’aiguiser son esprit critique, d’exercer son rôle de citoyen, de prendre conscience de ses droits et de ses devoirs, de se divertir, c’est l’ambition de tous les journaux. Combien d’études soulignent que les pratiques culturelles des jeunes ont basculé du papier vers le multimédia, que la vidéo l’emporte désormais sur l’écrit, que les « digital natives » ne consomment de l’actualité que via des écrans ou des « smartphones » ?  C’est un raccourci un peu rapide, stigmatisant une génération qui serait totalement déconnectée du réel.
En réalité, la question ne se pose pas en ces termes. Il n’y a pas de fatalité et les éditeurs de presse n’ont pas voulu se résigner à abandonner leur rôle d’acteur, avec l’Education nationale, d’une véritable éducation aux médias. Ils savent qu’un jeune qui ne lit pas le journal ne devient pas brutalement un lecteur régulier à l’âge adulte. Ils savent aussi que, pour inverser cette tendance, il faut créer une habitude progressive afin d’amener les jeunes à acheter ou s’abonner plus tard à un quotidien. Ils savent enfin qu’un journal permet d’accéder à une information triée, vérifiée et hiérarchisée et qu’il est une clé d’accès indispensable à la bonne utilisation de la recherche d’actualités sur la presse en ligne.

En 2004, le rapport que Bernard Spitz, membre du Conseil d’Etat, avait rédigé pour le Ministère de la Culture, préconisait d’encourager la lecture de la presse chez les jeunes. S’inspirant de ses recommandations, 41 titres de presse quotidienne régionale et départementale s’étaient mobilisés pour proposer, chaque année, une opération ciblée associant Internet et journal papier, avec le soutien financier du Ministère de la Culture. L’opération reposait sur quatre points essentiels :
– La conquête d’un lectorat « jeune », en proposant un abonnement gratuit à un journal par semaine pendant 52 semaines à tout jeune de 18 à 24 ans;
– La fidélisation de ce lectorat l’année suivante ou les deux années suivantes, en lui proposant un abonnement à tarif préférentiel ;
– La production d’un contenu dédié dans les pages du journal ;
– Le développement de l‘interactivité avec le lectorat jeune grâce à des actions plurimédia (sites Internet, blogs, forums, etc.)
Ces expériences ont rencontré un accueil très favorable chez les 18-24 ans : les prévisions en termes d’audience ont largement été dépassées et 70 000 nouveaux lecteurs chaque année se sont abonnés au quotidien de leur choix.Ces jeunes se sont appropriés les outils mis à leur disposition par les titres : sur des blogs, des forums des titres concernés, plus de 1500 billets ont été rédigés par les journalistes sur des thèmes d’actualité choisis (emploi, culture, sorties…), et pas moins de 55 000 avis, commentaires ou courriers des lecteurs ont été postés en moins de 12 mois par les jeunes ciblés par l’opération en 2007.

200 000 jeunes ont été abonnés

Certaines enquêtes ont démontré que la page ciblée « jeunes » a même constitué une porte d’entrée pour le reste du journal : les 18-24 ans déclaraient lire, au-delà de leur rubrique, le reste du journal. L’étude mesurant l’audience de la presse quotidienne (Epic 2007) a enfin rendu compte d’une progression de 7,9% du lectorat 15-24 ans quand, dans le même temps l’ensemble du lectorat de la presse quotidienne ne progressait que de 2,3%.
Ainsi, en permettant de valider l’intérêt de la cible pour la lecture d’un quotidien, ces expérimentations positives ont ouvert la voie à un projet de plus grande envergure annoncé par le Président de la République en conclusion des Etats Généraux de la Presse écrite en 2009.
Lancée à l’automne 2009, l’opération « Mon journal offert » a permis  à 60 titres de la presse quotidienne nationale, régionale et départementale d’abonner 200 000 jeunes à un quotidien de leur choix, une fois par semaine pendant un an. 48 heures après l’annonce de la mesure, plus de 100 000 réservations avaient déjà été enregistrées sur le site dédié.
Une étude de satisfaction réalisée au printemps 2010 auprès des jeunes abonnés a permis de tirer les premiers enseignements de cette opération. Si elle a confirmé l’intérêt des jeunes pour l’actualité (93% de la cible se dit intéressée), elle a également montré que l’image du media « papier » évoluait positivement.  Parmi les qualificatifs privilégiés par les jeunes, au delà du fond, c’est le confort de lecture qui a été le plus souvent mentionné par les jeunes. Le bon vieux journal papier ne leur semble pas ringard !
Globalement, 85% des jeunes ayant bénéficié de l’offre se sont dit satisfaits de l’opération et 50% disent acheter d’autres quotidiens depuis l’opération. A la lumière de ces résultats, la démarche des éditeurs et des pouvoirs publics  est confortée. Une « saison 2 » de « Mon journal offert » a été lancée à l’automne 2010. 200 000 nouveaux lecteurs bénéficient d’un journal gratuit.
S’informer est un droit, c’est aussi un besoin. Encourager la lecture d’un journal chez les jeunes est bel et bien un objectif civique. Mais la lecture d’un journal ne se décrète pas, il faut que les jeunes en aient envie et pour cela que les quotidiens sachent les intéresser et leur expliquent les défis du monde dans lequel ils vivent. Antoine de Saint Exupéry, écrivait « une fois pris dans l’événement, les hommes ne s’en effraient plus. Seul l’inconnu épouvante les hommes.».  L’information n’est-elle pas le meilleur antidote contre l’inconnu ?

Vincent de BERNARDI, Directeur général du  SPQR, syndicat de la presse quotidienne régionale. (Octobre 2010).